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HENRI II.

nie d’avec le bon grain, dit-il [1], Dieu ne veut choisir que des princes innocens et de bonne vie, et il ne se veut point servir des mains politiques, comme étaient celles des conseillers de toutes les couronnes catholiques de ce temps-là, qui ne nettoyaient leurs champs que pour jeter l’ivraie dans ceux de leurs voisins, et qui ne poursuivaient l’hérésie que comme une faction contraire à l’autorité. Charles-Quint et les rois d’Espagne ses successeurs ont favorisé en plusieurs rencontres les protestans d’Allemagne et les protestans de France. Voyez-en les preuves dans le Ier. tome [2] de l’Apologie pour les Catholiques., composée par M. Arnauld. L’ambassadeur d’Espagne sollicitait des secours en Angleterre pour M. le duc de Rohan. Ce que Grotius écrit sur cela est remarquable. Validus est rumor, Gonthomerunm, et qui in aulâ Anglicâ Hispanicæ sunt factionis, apertè profiteri, non debere à rege Britannicarum deseri religionis consortes in Galliâ, ne si quando vetera jura repelere ipsi sit animus, desint, qui partes Anglicas sequantur [3]. Voyez dans le testament politique du marquis de Louvois [4] quelques réflexions sur les violences exercées en Hongrie contre les protestans, par les ordres de la même cour qui peu après a rendu de si grands services aux protestans de la Grande-Bretagne et de Hollande, que Louis XIV et Jacques II étaient résolus d’opprimer, dit-on.

(E) Élisabeth, reine d’Angleterre, avait de l’admiration pour lui du côté de la bravoure. ] Brantôme nous instruira là-dessus : J’ai ouï conter à la reine d’Angleterre qui est aujourd’hui, dit-il [5], que c’étoit le roi et le prince du monde qu’elle avoit plus desiré de voir, pour le beau rapport qu’on lui en avoit fait, et pour la grande renommée qui en voloit partout..... Étant à table devisant familierement avec ces seigneurs, elle dit ces mots (après avoir fort loué le roi) c’étoit le prince du monde que j’avois plus desiré de voir, et lui avois déjà mandé que bien-tost je le verrois, et pour ce j’avois commandé de me faire bien apareiller mes galeres (usant de ces mots) pour passer en France exprès pour le voir. Voyez le même récit dans les Mémoires des Dames Galantes, où il est expressément marqué que cette reine désirait de voir Henri II, à cause qu’il était brave, vaillant et généreux, et fort martial [6].

(F) Le duc de Savoie épousa la sœur de Henri II, princesse de grand mérite.] Elle s’appelait Marguerite, comme sa tante la reine de Navarre, et avait comme elle beaucoup d’inclination à l’étude et à protéger les savans. Elle fut soupçonnée d’avoir goûté les nouvelles opinions, et d’en avoir communiqué quelque chose à Catherine de Médicis [7]. Voyez son éloge dans Brantôme [8], et dans M. le Laboureur. Ce dernier nous apprend un fait qui mérite d’être su. Marguerite de France, dit-il [9], fut mariée à quarante-six ans [10], et comme son âge semblait trop avancé pour croire qu’elle eut des enfans, on crut que le bruit de sa grossesse était une ruse, pour obliger le roi à lui remettre d’autant plus volontiers les places qu’il détenait. C’est pourquoi le sieur Huraut de Bois-Taillé, ambassadeur à Venise, manda, en une lettre du 27 juillet 1561, à Bernardin Bochetel, évêque de Rennes, ambassadeur de France en Allemagne : l’on dit que madame de Savoie est grosse, mais je crois que cela se fait ad aliquid. Ce bruit se trouva vrai par la naissance de Charles Emmanuel, aïeul du duc de Savoie qui règne à présent [11].

(G) ..... Et qui sut duper la cour de France fort avantageusement pour son mari. ] Le traité de Cateau portait que dans trois ans les droits que le roi prétendait sur les terres du duc

  1. Additions aux Mémoires de Castelnau, tom. II, pag. 577.
  2. Pag. 78 et suiv.
  3. Grotius, epist. CLVII, I part., p. 60.
  4. Pag. 367, édition de Cologne, 1695.
  5. Brantôme, Discours de Henri II, au IIe. tome de ses Mémoires, pag. 60, 61.
  6. Dames galantes, tom. II, pag. 261.
  7. Voyez le Laboureur, Additions aux Mémoires de Castelnau, tom. I. pag. 750.
  8. Mémoires des Dames illustres.
  9. Le Laboureur, Additions à Castelnau, tom. I, pag. 752.
  10. Il se trompe, elle était née le 5 juin 1523, et fut mariée en 1559.
  11. M. le Laboureur publia son livre l’an 1659.