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HENRI II.

Henri II. L’impunité de ses favoris, après tant de biens qu’ils acquirent par des voies si injustes (K), en est un autre monument. Il mourut de la blessure qu’il avait reçue dans un tournois [a]. Aventure étrange, et plus extraordinaire encore que funeste, car je ne crois point que jamais il y eût eu des monarques qui eussent perdu la vie dans de telles occasions. Il lui aurait été infiniment plus glorieux de la perdre dans une bataille, que dans ces jeux de combat, ou dans ces combats de paix, où d’ailleurs il se comporta d’une manière peu convenable à sa dignité, et plus séante à un jeune cavalier, qu’à la majesté royale (L). On fit bien des réflexions sur cette triste destinée (M). Il ne parla plus depuis sa blessure (N), et ainsi tous les discours qu’on lui attribue sont des contes forgés à plaisir. La sincérité avec laquelle les historiens français ont avoué les défauts de ce monarque, et l’ignominie qu’il fit souffrir à la nation, en préférant les conseils du connétable aux remontrances du duc de Guise (O), ne se voit guère dans les autres historiens. Ceux de la religion s’imaginèrent gagner beaucoup à sa mort, mais ils éprouvèrent encore plus de rigueurs sous François II ; et, humainement parlant, c’était fait d’eux dans la France, si François II eût vécu encore deux ans (P). On les accuse d’avoir témoigné leur joie d’une façon trop insultante sur la fin tragique de Henri (Q) ; mais on ne peut rien voir de plus modeste là-dessus que Théodore de Bèze [b]. J’ai oublié d’observer que ce prince, n’étant encore que dauphin, vivait avec le duc d’Orléans, son frère, dans une mésintelligence qui coûta bon à la France (R), et qui aurait été beaucoup plus funeste si le duc n’était pas mort. Que sait-on s’il n’aurait pas disputé la succession (S) ? Les dames avaient eu la hardiesse de faire courir des horoscopes qui ne pouvaient que fomenter la jalousie de ces deux frères. Elles avaient montré à François Ier. ces prétendues prédictions astrologiques. Castellan les réfuta (T) : l’événement les a réfutées encore mieux. Plusieurs auteurs disent qu’un fameux tireur d’horoscopes avait prédit que Henri II serait tué en duel (U). Les variations avec lesquelles on rapporte cette prédiction suffiraient seules à faire douter que les astrologues l’aient faite (X). Il eut dix enfans légitimes et deux naturels. On conte des choses assez remarquables touchant les mères de ceux-ci (Y).

Henri II était né à Saint-Germain-en-Laye, le 31 de mars 1519. Il portait le nom de duc d’Orléans lorsqu’il épousa à Marseille Catherine de Médicis, le 28 d’octobre 1533. Il n’avait que quatorze ans et quelques mois : cela fit craindre au pape Clément VII, oncle de Catherine, que le mariage ne fût pas consommé la nuit des noces ; et quelques auteurs prétendent que par la curiosité qu’il eut de s’en informer, il trouva des preuves qui lui mirent l’esprit en repos (Z). Ce jeune époux devint dau-

  1. Il fut blessé le 30 de juin 1559, et mourut le 10 de juillet de la même année.
  2. Voyez la remarque (Q), à la fin.