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HENRI II.

L’une des premières choses qu’il fit fut de se moquer de l’ordre que son père lui avait donné en mourant, je veux dire que des les premiers jours de son règne il rappela le connétable de Montmorenci (A), que François Ier. avait relégué pour de très-bonnes raisons [a]. Cette désobéissance lui coûta cher (B) ; car on peut dire que les plus fâcheux événemens qui aient flétri son règne sont l’ouvrage du connétable. Ce fut le connétable qui par sa mauvaise conduite perdit, la fameuse bataille de Saint-Quentin [b] ; après quoi il fut la cause d’un traité de paix [c] beaucoup plus honteux à la monarchie française (C), que la perte de cette bataille. Peut-être n’eût-il pas fait si aisément consentir Henri II à cette paix désavantageuse, sans l’esprit de persécution qui s’empara de ce prince (D). Il mérite aussi un grand blâme pour n’avoir pas donné de bons conseils à son maître, par rapport à la duchesse de Valentinois, qui, dans un âge disproportionné à celui de Henri II, ne laissait pas de le tenir dans ses fers, et d’abuser très-injustement de cet esclavage. Le connétable, bien loin de fortifier ce prince contre les piéges de cette femme, intrigua pour elle, et se dévoua à sa faction [d]. C’est dommage que le règne de Henri II ait de si mauvais endroits, car il fut d’ailleurs remarquable par des actions glorieuses, et par de très-beaux succès qui mortifièrent cruellement Charles-Quint. On ne saurait contester à Henri II la gloire d’avoir été brave ; et l’on dit qu’Élisabeth, reine d’Angleterre, avait de l’admiration pour lui de ce côté-là (E). Mais, après tout, ce sera un éternel témoignage de sa faiblesse, et de l’empire que ses favoris exerçaient sur lui, que, contre l’avis des plus sages têtes de son royaume, il ait signé le traité de paix de Cateau en Cambresis : Paix non moins honteuse à la France, que celle de l’empereur Jovinian avec le roi de Perse, tant décriée par toute l’ancienneté [e] ; paix qui, par un seul coup de plume, fit perdre dans un moment les travaux et les conquêtes de plusieurs années, et une étendue de pays qui égalait le tiers du royaume [f]. Il n’y eut personne qui profitât de cette honte de la France autant que le duc de Savoie ; car outre qu’il fut rétabli dans ses états, il épousa la sœur de Henri II, princesse de grand mérite (F), et qui sut duper la cour de France fort avantageusement pour son mari (G). Elle n’était point jeune quand elle se maria ; et de là vint que les murmures contre la paix s’étendirent jusque sur elle (H). C’est sans raison qu’un auteur moderne a voulu justifier la conduite de Henri III (I), qui paya si chèrement l’accueil que lui fit cette princesse. La paix de Cateau n’est pas le seul monument de la faiblesse trop simple de

  1. Voyez la remarque (B).
  2. Le 10 d’août 1557.
  3. Celui de Cateau en Cambresis, conclu l’an 1559.
  4. Voyez l’article Poitiers, tom. XII.
  5. Pasquier, Lettres, liv. XV, tom. II, pag. 221. Voyez aussi liv. IV, tom. I, pag. 471.
  6. Monluc, Mémoires, liv. IV, pag. m. 789.