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HENRI VI.

programme dit peu après[1] : Equidem invidia et malgnitas, ut sunt virtutis fata, non unum in eum jaculata fuit fulmen : sed et illa, quæ viventi gravis fuit, mortui famæ, credo, favebit, suamque vel imperitiam vel livorem tandem profitebitur. Il n’indique point les causes de cette envie maligne qui persécuta Hénichius, mais je conjecture que l’inclination pacifique de ce professeur fournit des prétextes de le calomnier.

  1. Idem, ibid., pag. 1719.

HENRI VI, empereur d’Allemagne, fils de Frideric Barberousse, fut couronné par le pape Célestin III (A), le 15 d’avril 1191. Il allait avec une puissante armée recueillir la succession de Naples et de Sicile, qui était échue à l’impératrice Constance, sa femme, après la mort du jeune Guillaume, roi de Sicile[a]. Il trouva tant d’oppositions à cette prise de possession, que peu s’en faut qu’on ne puisse dire qu’il obtint par conquête ces deux royaumes. Il se fit tellement craindre, que l’empereur Alexis l’Ange ne put obtenir la paix qu’en lui payant un tribut[b]. S’il n’avait fait que cela on louerait sa valeur ; mais toutes les louanges qu’il peut avoir méritées de ce côté-là sont absorbées par la cruauté et par la déloyauté qu’il fit paraître, en exterminant sous de faux prétextes tout ce qui restait de la race de ces braves Normands, qui avaient conquis cette partie d’Italie que l’impératrice sa femme, leur héritière, lui donna droit de posséder[c]. On dit que cette princesse, pour l’en punir, lui fit avaler le poison dont il mourut à Messine, l’an 1198[* 1], à l’âge de trente-deux ans[d]. Il laissa un fils qui fut empereur sous le nom de Fridéric II. Constance était si âgée quand elle mit au monde ce fils, que, pour éloigner les soupçons de supposition, elle accoucha publiquement (B). Ces précautions n’empêcherent pas qu’on ne dît que cet enfant était supposé (C). Il y a des auteurs qui soutiennent que Constance n’était ni religieuse, ni fort âgée, lorsqu’elle épousa Henri VI (D).

  1. * Leclerc dit que Henri VI mourut le 28 septembre 1197.
  1. Voyez Maimbourg, Décadence de l’Empire, liv. V, pag. m. 476.
  2. Là même.
  3. Là même, pag. 477.
  4. Maimbourg. Décadence de l’Emp., liv. V, pag. 477, citant l’Abbé d’Ursperg.

(A) Il fut couronné par le pape Célestin. ] On rapporte cette circonstance touchant ce couronnement. Comme l’empereur « était à ses pieds, Celestin qui lui mit la couronne sur la tête haussa le pied, et fit tomber la même couronne, pour faire voir qu’il pouvait la lui donner et la lui ravir. Baronius loue cette action ; mais les choses ont à mon avis changé de face, et de tous les princes il n’y en a point qui voulût souscrire fort sincèrement à l’opinion de ce cardinal[1]. » Je cite l’auteur qui parle ainsi.

(B) Pour éloigner les soupçons de supposition, elle accoucha publiquement. ] Voici un passage de Brantôme, qui mérite d’être lu. Constance reine de Sicile, qui dès sa jeunesse et toute sa vie n’avoit bougé vestale du cloistre en chasteté, venant à s’émanciper au monde à l’âge de cinquante ans, qui n’étoit pas belle pourtant, toute decrepite, voulut taster de la douceur de la chair, et se maria et engrossa d’un enfant en l’age de cinquante deux ans, duquel elle vou-

  1. Chevrean, Histoire du Monde, liv. V, chap. II, pag. 75, du troisième tome, édition de Hollande, 1687.