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GOLDAST.

Goldast, que Rittershusius se plaignait de ne toucher pas les 52 florins d’or qui lui étaient dus ; c’est pourquoi on exhorte le débiteur à s’acquitter promptement, et on lui dit que s’il y manque les plaintes en seront portées à sa mère. Une lettre de Rittershusius [1], en date du 8 de septembre 1599, apprend qu’il était payé, et qu’il quittait les intérêts ; mais que, comme Goldast avait laissé plusieurs dettes à Altorf, il courait divers mauvais bruits de lui. Ce n’est point une preuve qu’on puisse opposer aux prétentions de noblesse. Nous apprenons de Scaliger que Goldast prétendait être gentilhomme [2]. On peut l’être sans avoir de quoi payer sa pension. Scioppius remarque que Goldast mettait dans ses noms une particule qui n’était propre qu’à la noblesse : Fratribus quidem certè hoc uno nomine nobilior quòd illi se tantum Heiminsfeld, hic autem heros noster pro consuetudine pleræque nobilitalis ab Heiminsfeld cognominat [3]. Mais voici une bonne marque de la pauvreté de Goldast. Quand il faisait imprimer des livres, il en envoyait des exemplaires aux magistrats des villes et aux consistoires, et cela afin qu’on lui fît quelque présent. On lui envoyait un peu plus que le livre ne coûtait, et ses amis s’imaginaient lui rendre beaucoup de service, en lui ménageant ces petites récompenses. Ce chétif trafic aidait à le faire subsister. Un ministre, nommé David Lange, lui écrivit de Memminge, que les magistrats du lieu lui envoyaient dans l’incluse unum mummum aureum, et le consistoire un autre, pour l’exemplaire de son livre [4].

(B) Un recueil de lettres. ] En voici le titre : Virorum clarissimorum et doctorum ad Melchiorem Goldastum Epistolæ, ex Bibliothecâ Henrici Guntheri Thulemarii J.-C. editæ. Francofurti et Spiræ 1688 in-4o.

(C) Il logea à Genève chez Lectius. ] C’était un professeur de l’académie. Le recueil de lettres dont j’ai parlé en contient une [5] qui est fort sanglante contre lui. Il se plaignait que lorsque Goldast et ses disciples étaient sortis de chez lui, ils ne lui avaient pas fait un présent honnête ; mais Goldast de son côté se plaignait qu’on les avait obligés de payer cent sortes de choses injustement, fourneaux, bancs, serrures, clefs, etc. Il faut avouer que ceux qui tiennent des pensionnaires dans les universités, font paraître trop souvent une avarice sordide. Quand ce ne sont pas des professeurs, le mal n’est pas grand ; mais quelle honte pour les lettres, quel déshonneur pour le caractère, lorsque des professeurs s’attachent si mesquinement au gain !

(D) En 1605 il demeurait à Bischofzell, où il se plaignait [6] de n’être point en sûreté. ] Scioppius conte que le sieur Jodocus Mezlérus, vicaire de l’abbé de Saint-Gal, lui avait dit que Goldast fut mis en prison à Saint-Gal pour cause de vol. Il ajoutait que Goldast avait demandé permission d’acheter une petite terre proche de Saint-Gal, où la femme luthérienne qu’il avait dessein d’épouser eût la liberté de conscience, que quant à lui, il serait facilement catholique. Commodum eas litteras legeram cum officii causa visum ad me venit D. Jodocus Mezlerus, illustrissimi principis et abbatis Sancti Galli vicarius, istumque Melchiorem adhuc vivum probèque sibi notum esse affirmavit. Idque ut credibilius faceret, præter alia hoc quoque de eodem narravit, exposuisse eum sibi in sermone in quanto apud Sangallenses periculo semel versatus fuerit, cùm illi furti nomine in carcerem se compegissent : petiisse etiam ut prædioli cujusdam in Sangallensi territorio emendi ab Abbate potestas sibi fieret, ita tamen ut uxori, quam ducere in animo haberet, lutheranæ religionis liberius salva esset : nam seipsum quidem catholicum facilè futurum. His ego auditis cœpi de ipso non desperare futurum ut fato aliquando fratris utatur, et sublime potius quàm humi putiscat, cùm præ-

  1. C’est la XIe. du même recueil.
  2. Goldastus se dit être noble, et remarque sa maison à l’entour de Saint-Gal. Scaligérana, pag. m. 95.
  3. Oporini Grubinii Amphot. Scioppian., pag. 111.
  4. Voyez la CXXXIe. lettre du recueil.
  5. C’est la LVIe.
  6. Voyez la lettre CIX du recueil.