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DUAREN.

guinarius Baron et de quelques autres adversaires déclarés ; et depuis ce temps-là il fut toujours mal avec ce collègue, et il excita contre lui tant de tumultes, qu’on croit qu’il le fit mourir de chagrin. Nec ulla fuit ex eo tempore simultatis inter eum et Baronem intermissio ... adversùs quem (Baronem) iste vindictæ cupiditate flagrans tantas excitavit tragœdias, ut à plerisque credatur Baro ob mœrorem ex eâ re conceptum decessisse[1]. Duaren retourna à Bourges après la mort de Baron, et y reçut de Baudouin toutes sortes de caresses respectueuses ; mais on l’avertit de s’en défier comme d’un homme qui par plusieurs artifices avait tâché d’empêcher qu’il ne revînt, ou qu’au moins il ne recouvrât le rang qu’il avait eu autrefois. La défiance qu’on lui voulut inspirer fut dissipée facilement par les protestations de sincérité que Baudouin lui fit : mais enfin il ouvrit les yeux, et s’emporta hautement[2], et depuis ce temps-là il y eut entre eux une inimitié réelle, quoique l’apparence de la concorde allât son train. L’extérieur même de l’amitié se démentit en trois ou quatre rencontres où Baudouin se mit dans une extrême colère contre Duaren. Voici ce qui donna lieu au premier éclat. Baudouin se dispensait de monter en chaire sous prétexte que par ses écrits il pouvait mieux contribuer que par ses leçons à l’utilité et a la gloire de l’académie et de la ville. Il en fut censuré par les magistrats après que Duaren les eut avertis de cet abus[3]. Quelque temps après il arriva une sédition dans les écoles de droit. Baudouin, obligé d’en rendre raison aux magistrats, plaida cette cause, et la perdit honteusement. Il crut que Duaren lui avait joué ce tour. Cette affaire procéda de ce que Baudouin choisissait le temps de ses leçons selon sa commodité, et non pas selon les heures qui avaient été assignées à chaque professeur. Cela fit naître des tumultes ; car Baudouin ne voulait pas renoncer à l’heure qu’il avait choisie, quoique ce fût celle d’un autre qui voulait s’y maintenir[4]. Fort peu de temps après il éclata de nouveau contre Duaren, lorsqu’il se vit privé de ses gages à l’égard de quelques mois, pendant lesquels il n’avait point fait de leçons ; car il faut noter qu’environ trois mois avant sa sortie de Bourges, il cessa de lire, sans dire un mot à ses collègues pour excuser les vacances qu’il prenait. On attribuait cela au chagrin qu’il avait conçu de la sentence que les juges avaient prononcée contre lui. Quod hominis factum plerique sic interpretabantur, ut dolori acerbissimo et ægritudini ex recente illâ damnatione judicioque susceptæ, vulgò tribuerent[5]. Le dépit de ne toucher point ses gages à l’égard du temps de ses vacances lui fit jeter feu et flamme contre ses collègues ; et il sortit deux jours après de la ville sans leur dire adieu[6] : mais il promit aux magistrats de revenir. Notez que pendant deux ans il avait fait de grandes instances pour l’accroissement de sa pension, et que toutes ses peines avaient été inutiles. Il n’avait pu obtenir la moitié des gages dont Duaren jouissait[7]. Celui-ci témoigne[8] que depuis qu’il avait vu que les protestans prêtaient l’oreille aux discours calomnieux d’un tel transfuge, il avait senti diminuer la passion de se retirer chez eux. Il allègue un bon mot de Simonide, c’est qu’il faut tenir pour des calomniateurs ceux qui ajoutent foi légèrement à la calomnie[9]. Sa lettre est datée du 15 de juillet 1555. Je ne dois pas oublier qu’on y a remarqué[10] que Baudouin, qui se retira de Bourges à cause des chagrins insupportables qui l’y rongeaient, fit ac-

  1. Duaren, epist. de Fr. Balduino, pag. 61.
  2. Nihil ampliùs dissimulandum ratus cum homine expostulavi, et de jure amicitiæ necessitudinisque violato conquestus sum paulò liberiùs ac stomachosiùs. Ibidem, pag. 63.
  3. Ibid.
  4. Horam subindè mutabat arbitrio suo, et in aliorum possessionem non minùs superbè et insolenter quàm turbulentè et seditiosè invadebat. Quâ ex re ii motus atque tumultus excitati sunt ut, etc. Ibidem, pag. 64.
  5. Ibid.
  6. Ibid., pag. 65.
  7. Ibid.
  8. Ibid., pag. 68.
  9. Scitum est illud Simonidis, non defines me auribus calumniari, cùm ostendere vellet eos quoque calumniatores habendos esse, qui aures calumniatoribus faciles præberent. Ibid.
  10. Ibid., pag. 66.