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FERRARIENSIS.

quans. Tout cela fut inutile : lisez les paroles de M. le Laboureur [1]. Le duc de Ferrare ne fut pas assez adroit pour empêcher qu’Anne d’Est sa fille ne fût imbue des nouvelles opinions. Sa mère, qui la faisait élever aux sciences, lui donna pour camarade d’étude Olympia Fulvia Morata, fille de beaucoup d’esprit, qui fut ensuite une bonne luthérienne. Cùm Anna Herculis Estensis Ferrariensium principis filia iisdem litteris à Joanne Sinapio viro summo institueretur, ut haberet quicum honestâ æmulatione certaret, visum matri est... ut Olympia in Aulam in quâ aliquot annos magnâ cum laude fuit advocaretur [2]. Le commerce de cette fille donna beaucoup de lumières sur la religion à la princesse Anne. Aussi dit-on qu’elle s’affligea beaucoup des supplices que l’on fit souffrir à ceux de la religion, après l’affaire d’Amboise, et qu’elle exhorta Catherine de Médicis à ne point répandre le sang innocent. C’est M. de Thou qui le rapporte. Sola Anna Atestina Guisii uxor miti ingenio femina, et quæ à teneris annis Ferrariæ sub Renatâ parente ei doctrinæ quæ tunc exagitabatur innutrita fuerat, Olympiæ Moratæ lectissime et eruditissimòæ feminæ consuetudine ad id usa, lacrymas non tenuisse dicitur, ultroque Catharinam monuisse ut si regem ac regnum salvum vellet, ab innocentum suppliciis abstineri juberet [3]. Du temps de la ligue elle fut fort passionnée contre ceux de la religion. Les intérêts de famille, et le souvenir de Poltrot [4], la firent changer peut-être de sentimens. Au reste, le duc de Ferrare s’était brouillé avec Renée avant le règne de Henri II ; car voici ce que Rabelais écrivit de Rome, l’an 1536. « Il y a danger que madame Renée en souffre fascherie : ledit duc lui a osté madame de Soubise sa gouvernante et la fait servir par Italiennes, qui n’est pas bon signe [5]. »

  1. Elle souffrit avec obstination l’effet de toutes ces menaces, à cause de quoi le sieur de Brantôme remarque qu’elle fut quelque temps en mésintelligence avec son mari, qui ne put faire autre chose que de lui ôter l’éducation de ses enfans. Le Laboureur, Addit. à Castelnau, tom. I, pag. 749.
  2. Cœlius Secundus Curio, in Epistolâ ad Betuleium, enter Epistolas Olympiæ Fulviæ Moratæ, pag. m. 97.
  3. Thuanus, Hist., lib. XXIV, pag. 496, 497, ad ann. 1560.
  4. Qui assassina le duc de Guise, son mari.
  5. Épîtres de Rabelais, pag. 18.

FERRARIENSIS. C’est sous ce nom que l’on cite ordinairement un philosophe scolastique qui s’appelait François Sylvestre (A). Il était de Ferrare ; et il se fit tellement considérer dans son ordre [a], qu’il en fut élu général au chapitre tenu à Rome, l’an 1525. Sa corpulence ne l’empêcha pas de visiter les provinces de l’ordre, afin d’y rétablir la discipline autant que faire se pourrait [* 1] [b]. Il mourut à Rennes en Bretagne, le 24 de septembre 1528. Il fut assisté à sa mort et muni des sacremens de l’église par le père Ives Mayeuc, dominicain, qui était évêque de Rennes depuis le 29 de janvier 1506, et qui avait été confesseur de la reine Anne de Bretagne [* 2], de Charles VIII, et de Louis XII [c].

J’ajoute que, selon Léandre Albert [d], il mourut le 19 de septembre 1528, à l’âge de cinquante-quatre ans. Cet historien [* 3] s’accorde avec Altamura touchant le lieu : mais son tra-

  1. * Leclerc ne doute pas que Bayle n’ait compris les mots : Licet corpore gravis ; mais il demande s’il les a bien traduits.
  2. * Suivant le père Échard que cite Leclerc, le père Mayeuc ne fut confesseur que de la reine Anne.
  3. * Joly pense qu’il faut croire Léandre Alberti, alors compagnon de voyage de Ferrariensis.
  1. C’était celui des dominicains.
  2. Licet corpore gravis provincias tamen ordinis visitando lustravit ex officio, restituendæ vitæ regulari... proviribus intendens. Altamura, in Biblioth. Dominic., pag. 253.
  3. Tiré d’Altamura, Bibliothéque des Dominic., pag. 253.
  4. In Descript. Italiæ, folio 350 verso de l’édit. italienne de Venise 1561, et pag. 540 de l’édition latine de Cologne, 1567.