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FERNEL.

n’avait conçu le roi que parce que le premier médecin[1] Fernel avait conseillé à Henri II de coucher avec elle durant ses ordinaires, et que les personnes engendrées de la sorte étaient sujettes à cette honteuse maladie[2]. Selon Mézerai[3], François II avait été dans sa naissance de complexion malsaine, étant le premier enfant d’une mère qui avait eu ses purgations bien tard. En effet plusieurs prétendent que Catherine de Médicis ne devint féconde que parce qu’on trouva un remède qui fit cesser la suppression de ses fleurs[4]. Cet expédient est bien éloigné de celui que M. Varillas rapporte. Nous avons vu que Scaliger établit d’une tout autre manière le service rendu par Fernel : il insinue que ce médecin fut appelé pendant le travail d’enfant, et qu’il donna des remèdes pour faire accoucher la reine. Cela s’accorderait un peu mieux avec la cure d’une grande dame dont Plantius a parlé. Mais comme on ne voit aucune raison qui eût pu l’induire à ne pas apprendre au public que Fernel procura un heureux accouchement à madame la dauphine, en danger de mourir en couche, je persiste à dire qu’il n’a point voulu parler de Catherine de Médicis, et à tirer de son silence un argument très-puissant pour douter de ce qui est contenu dans le texte de cette remarque. Selon Brantôme, On disait à la cour qu’il ne tenait pas tant à madame la dauphine, qu’à monsieur le dauphin, pourquoi il n’avoit d’enfans[5] ; et sur cela il rapporte la plaisanterie d’une dame. Il avait là une très-belle occasion de dire ce qu’on conte de Fernel ; cependant il n’en parle pas : son silence est-il de petite signification ? M. de Thou, dans l’éloge de Fernel, eût-il oublié un événement de cette importance, s’il l’avait su, ou s’il l’avait cru ? Je crois donc que c’est un fait sur lequel on doit prononcer non liquet, nonobstant cette affirmation de Scévole de Sainte-Marthe : Ab Henrico secundo in regiam accersitus, principem inter ejus Archiatros locum tenuit. Eo felicis operæ proventu ut quod à naturâ negatum esse videbatur, artis beneficio consecutus invisam sterilitatem à domo regiâ repelleret[6]. Je pense qu’on lèverait facilement tous ces doutes, si l’on avait la dissertation que Varillas a citée. Le médecin Fernel, dit-il[7] ; après avoir observé le tempérament de la dauphine, s’était mis en tête de remédier à son indisposition ; et soit que les médicamens qu’il ordonna eussent opéré, ou que son secret n’eût consisté qu’à révéler au dauphin les momens dans lesquels sa femme était plus capable de concevoir, la cour s’était aperçue quelques mois après que la dauphine était grosse. Vous trouverez ce passage mot à mot dans les Galanteries des rois de France[8]. M. Menjot, savant médecin de Paris, a cru que Fernel conjectura que Catherine de Médicis n’était stérile que par une trop grande sécheresse de l’utérus, ou que pour être trop serrée dans cette partie. Au premier cas, la semence rencontrant une terre trop aride ne pouvait fructifier : au second cas, elle ne parvenait point où elle devait. Or, comme pendant le cours des ordinaires la partie s’humectait et se dilatait plus que de coutume, Fernel jugea qu’il fallait que le dauphin prît alors son temps, et que c’était le moment propice pour faire un coup de partie avec son épouse. M. Menjot ajoute qu’Hippocrate a pu fournir des ouvertures pour ce conseil. Cet auteur s’exprime avec tant de force, que je lui ferais du tort, si je ne rapportais pas tout ce qu’il dit. Referunt Catharinam Medicæam Galliarum reginam ætate licet integrâ, cùm velut quintâ lunâ nata progeniem desperaret, importunam alvi sterilitatem votivâ fœcunditate commutâsse, dulcique liberorum propagine ditatam fuisse, quòd contra Mosis edictum ἐν τῇ καθόδῳ τῶν καταμηνίων quibus semen aliàs eluitur, à rege subagitata

  1. Fernel ne fut premier médecin qu’après la mort de François Ier. François II, fils aîné de Catherine de Médicis, naquit quatre ans avant la mort de François Ier.
  2. Il parle de la lèpre.
  3. Mézerai, Histoire de France, tom. III, pag. 42.
  4. Voyez la remarq. (M), citat. (53).
  5. Brantôme, Dames illustr., pag m. 42.
  6. Sammarth., in Elogiis, lib. I, pag. m. 33.
  7. Hist. de François Ier., liv. XI, pag. m. 99. Il met en marge : Dans la Dissertation latine présentée sur ce sujet au roi.
  8. Tome Ier., pag. 225 de l’édition de 1694, et pag. 207 de l’édit. de 1695.