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FERNEL.

FERNEL (Jean), médecin de Henri II, roi de France, était né en Picardie (A). Il fut envoyé un peu tard à Paris pour y faire ses études de rhétorique, et son cours de philosophie : mais il fit tant de progrès si promptement, qu’ayant été reçu maître ès arts au bout de deux ans[* 1], les principaux de colléges lui offrirent à l’envi les uns des autres la régence de la logique, avec des gages très-considérables[* 2]. Il n’accepta point ces offres ; il aima mieux travailler par des études et par des leçons particulières à se rendre beaucoup plus digne d’une profession publique. Il s’appliqua de telle sorte à l’étude, qu’il renonça aux plaisirs les plus innocens qui l’eussent pu arracher à son Cicéron, à son Platon, à son Aristote[a]. La lecture de Cicéron lui procura cet avantage, que les leçons qu’il donna sur des matières philosophiques, furent aussi éloquentes que celles des autres maîtres étaient barbares en ce temps-là. Il eut aussi une forte application à l’étude des mathématiques. Cette grande contention d’esprit lui attira une longue maladie qui l’obligea à quitter Paris. Y étant revenu après le retour de sa santé, il résolut d’étudier en médecine ; mais avant que de se bien appliquer à cette étude, il enseigna un cours de philosophie dans le collége de Sainte-Barbe. Après quoi il employa quatre années à étudier en médecine ; et ayant été promu au doctorat, il s’attacha tout entier à son cabinet, afin de lire les bons auteurs, et de cultiver l’étude des mathématiques. Il eut de grandes liaisons avec un excellent rhétoricien[b] qui lui apprit les belles-lettres, et à qui il enseigna les mathématiques. Les instrumens qu’il inventa et qu’il fit faire sur cette science l’engagèrent à de grands frais. La femme qu’il venait d’épouser ne s’accommodait point de cette dépense, qui s’étendait même sur sa dot : elle en murmura, elle en pleura, elle en fit ses plaintes à son père[c], et l’engagea à se fâcher tout de bon contre Fernel. Celui-ci céda enfin, et renvoya tous ses faiseurs d’instrumens, et s’attacha à la pratique de la médecine. Mais parce que la visite des malades ne pouvait point prendre tout son temps, à un homme qui, comme lui, en donnait peu aux repas et au dormir (B), il reprit une occupation à laquelle il s’était déjà exercé avant que d’être docteur en médecine, je veux dire qu’il fit des leçons publiques sur Hippocrate et sur Galien. Cela lui acquit bientôt une extrême réputation par toute la France, et dans les pays étrangers. Il fut obligé d’interrompre ces leçons au bout de six ans, parce que l’estime qu’il s’était acquise faisait recourir à lui un si grand nombre de malades, qu’il n’avait pas assez de temps pour rendre ses bons offices à tous ceux qui venaient les lui demander. Mais

  1. * Du temps de Fernel, il fallait, dit Leclerc, trois ans et demi pour obtenir le titre de maître ès arts.
  2. * On n’a, dit Leclerc, aucune preuve de cette offre prétendue.
  1. Voyez la remarque (B).
  2. Jacques Strebæus.
  3. Il était conseiller à Paris, mais on ne dit point de quelle cour.