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EURIPIDE.

qu’il ne quitta sa patrie que peu d’années avant sa mort, et après que le théâtre d’Athènes avait retenti cent et cent fois de ses invectives contre les femmes. Hâc ignominiâ motus Euripides in Macedoniam se contulisse dicitur, et perpetuò in omne genus mulieres odio exarsisse, suarum nimirùm uxorum adulterarum gratiâ. Sed pace Grammaticasticorum liceat dicere, quod et probaturus sum, aliud huic nomini originem et causam dari. Euripides enim non modò quia tot scelestas mulieres, tot veneficas, tot adulteras, et viricidas et incestas in scenam induxerit, verùm etiam quòd tot aculeatis omnem illum sexum confoderet sententiis, apud veteres Μισογύνης audiebat....... et plures certè, si non omnes, illius tragœdiæ in quibus tantoperè mulieres perstrinsit, actæ erant antequàm ad iter in Macedoniam animum applicaret [1]. Il faut bien se souvenir que si Euripide a introduit sur la scène quelques femmes très-méchantes, il y a introduit aussi des héroïnes, et qu’il a parlé honorablement du sexe en plusieurs rencontres ; mais cela n’a point effacé la note qu’il avait déjà encourue ; le souvenir des offenses étouffe celui des bienfaits. Disons-le en latin après M. Barnes : Quanquam idem, cùm res ferret haud minùs honorificis fœminas testimoniis ornaverit, plurimas heroïnas ob virtutem eximias fabulis suis populo exhibendo, ut ostendimus plus semel in annotationibus nostris [* 1], mansit tamen affixum poetæ vocabulum, quia plus mordent paucæ offensiunculæ, quàm multa beneficia [2]. Souvenons-nous aussi qu’Aristophane, en faisant semblant de prendre parti pour le beau sexe contre Euripide, a plus outragé les femmes qu’Euripide ne l’avait fait. Je parle de la comédie où Aristophane suppose que les femmes intentèrent un procès à Euripide. Fatendum est in Thesmophoriazusis non tam Euripidem adversùs quem drama illud institutum putatur, quàm totum fœmineun genus hunc comicum perstringere videri, peculiari sibi cavillandi charactere usum, et quàsi genio suo obsecundatum. Dùm enim Euripidem à mulieribus condemnatum fingit, quòd de iis malè esset in suis tragœdiis locutus, multò plura istius sexûs flagitia in unicâ illâ comœdiâ profert, quàm in omnibus suis tragœdiis Euripides unquàm memoraverit, atque ita Euripidem accusando absolvit, mulieres verò laudando excusandoque maximè denigrat [3]. Mais voulez-vous voir un homme qui, en trois mots, dit plus de mal du beau sexe qu’Euripide dans cinquante tragédies ? considérez cette réponse de Sophocle. On lui demanda un jour pourquoi les femmes qu’il introduisait sur le théâtre étaient de bonnes et d’honnêtes femmes, au lieu que celles d’Euripide étaient très-méchantes : Euripide, répondit-il, les représente comme elles sont, et mot comme elles devraient être. Fertur Sophocles nonnihil de hâc quæstione haud minùs in fœminas aculeatum strinxisse ; interrogatus enim quandoquidem Euripidis personæ mulieres malæ essent, cur ipsius è contra forent bonæ, Αὐτὸς μὲν ἔϕη ποεῖν οἵας δεῖ, Εὐριπίδης δὲ οἵαί εἰσιν. [4]. Notez qu’Aristote rapporte généralement, et sans distinction de sexes, que Sophocle disait, je représente les personnes telles qu’il faut qu’elles soient, et Euripide les représente telles qu’elles sont [5].

(M)... Il se maria néanmoins. ] Ce même homme qui fuyait tant le congrès [6], s’humanisa d’assez bonne heure, et s’y engagea par contrat à l’âge de vingt-trois ans [7], afin de mettre à couvert sa chasteté. Ut castitati quam unicè colebat meliùs consuleret [8]. La femme qu’il épousa se nommait Chœrine [9], il en eut trois fils. Après qu’il l’eut répudiée, il en épousa une autre dont je ne sais pas le nom. Celui qui a fait l’Index des matières dans l’Athénée de Dalechamp, dit qu’Euripide per-

  1. (*) Ad Troad., vs. 651, et Menalip., vs. 54, Protesilaum, vs. 5, etc.
  1. Barnes., pag. 19.
  2. Ibidem.
  3. Barnes., pag. 4.
  4. Idem, pag. 17.
  5. Aristot. de Poët., cap. XX, pag. m. 518, E.
  6. Φεύγων τὰς συνουσίας, qui congressus fugiebat. Suidas, in Εὐριπίδης.
  7. C’est la conjecture de Barnes, pag. 24.
  8. Barnes., in Vitâ Euripid., pag. 24.
  9. Suidas, in Εὐριπίδης.