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EURYDICE. EURIPIDE.

est incertain s’il a jamais été roi ; et s’il ne l’a pas été, il ne le faut pas marquer d’une épithète numérale : s’il l’a été, il le faut nommer Amyntas IV. Ce qui fait ici l’incertitude est que Justin [1] marque que Perdiccas laissa un fils en bas âge, dont Philippe fut le tuteur pendant quelque temps. Je n’avertis pas mes lecteurs que si, d’un côté, les femmes sont beaucoup plus débonnaires, généralement parlant, que les hommes, il est vrai de l’autre que celles qui ont de la cruauté et de l’ambition surpassent les hommes en ces deux défauts. Optimi corruptio pessima. C’est bien pis quand la luxure est de la partie ; car alors elles n’épargnent ni la vie de leurs maris, ni celle de leurs enfans. Nous en avons un exemple dans l’autre Eurydice [2].

  1. Justin., lib. VII, cap. V.
  2. Celle de l’article précédent.

EURYDICE, dame illyrienne. Plutarque la loue et la propose en exemple, parce que encore qu’elle fût d’un pays barbare, et avancée en âge, elle se mit à étudier afin de se rendre capable d’instruire elle-même ses enfans [a]. Elle consacra aux muses une inscription qui faisait foi de cela [b], et que Plutarque nous a conservée [c]. On y apprend qu’il y avait dans l’Illyrie, une ville nommée Hiérapolis [d], dont les géographes ne parlent pas. Un commentateur de Plutarque a commis quelques bévues (A).

  1. Plutarch., de Liberis educandis, in fine, pag. 14.
  2. Elle contient quatre vers grecs.
  3. Plutarch., de Liberis educandis, pag. 14.
  4. Voyez la remarque.

(A) Un commentateur de Plutarque a commis quelques bévues. ] Il était recteur du collége de Hambourg, et s’appelait Pierre Westhusius. Son livre, imprimé à Hambourg, l’an 1665, est intitulé Plutarchi Chæronensis de puerorum educatione libellus analysi logicâ, grammaticâ, ethicâ, politicâ et historicâ illustratus. On y trouve [1] que l’Eurydice dont il est ici question était reine, et peu après [2] qu’elle était femme d’Orphée. Ces deux qualités ne s’accordent pas ensemble [3] : et d’ailleurs la femme d’Orphée n’eût pas eu besoin de faire leçon elle-même à ses enfans : car leur père, qui était habile, l’eût déchargée de cet emploi. S’il était mort avant elle, ma remarque serait fausse ; mais chacun sait qu’elle mourut jeune, avant son mari [4]. Le commentateur [5] avance sans aucune preuve, qu’elle était née dans l’Illyrie. À quoi s’amuse-t-il de remarquer qu’Hiérapolis, ville d’Asie, était située vis-à-vis de Laodicée ? S’agit-il de cette Hiérapolis dans ces paroles de Plutarque Εὐρυδίκη Ἱεραπολιῆτις, Eurydice Hierapolitana ? N’est-ce point une femme d’Illyrie qui parle ? Ce qu’il fallait faire là-dessus était de tâcher de déterrer cette ville des Illyriens, ou en tout cas il fallait dire que les géographes ne l’ont point connue.

  1. À la page 404.
  2. À la page 405.
  3. En vain alléguerait-on les auteurs qui semblent dire qu’Orphée régna.
  4. Virgile, Georg., lib. IV, vs. 458, la nomme puella.
  5. Pag. 405.

EURIPIDE, poëte grec, l’un de ceux qui ont excellé dans la tragédie, naquit l’an 1er. de la 75e. olympiade, à l’île de Salamine, où son père et sa mère s’étaient retirés (A), un peu avant que Xerxès entrât dans l’Attique. On dispute sur leur condition (B) ; les uns la font noble, et les autres roturière. Un certain oracle mal entendu fut cause que l’on éleva Euripide comme ceux dont les Grecs voulaient faire des athlètes (C) ; mais la suite témoigna qu’il était plus propre à d’autres choses. Il apprit la rhétorique sous Prodicus, la morale sous Socrate (D), et la physique sous Anaxagoras ; et