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EUGÈNE IV.

dinal s’en acquitta avec beaucoup d’habileté et succéda à Martin V [a]. Je ne m’étendrai pas sur le détail de ses actions ; on le peut voir dans M. Moréri : je me contenterai de rapporter certaines choses qu’il a omises, et qui méritaient extrêmement d’avoir place dans son Dictionnaire. Eugène commença son pontificat par une action qui eut de mauvaises suites. Il prêta l’oreille à des délateurs qui lui rapportèrent que Martin V, possédé d’une avarice démesurée, avait amassé de grands trésors. Il fit saisir, suivant le conseil de ces gens-là, Oddo Poccio vice-camérier de Martin ; mais il donna ordre à Étienne Colonna, général de ses troupes, de le lui amener sans bruit, et sans l’exposer à l’ignominie. Cet ordre ne fut pas exécuté. La maison d’Oddo fut pillée par les soldats, et il fut traîné comme un voleur au palais du pape, à la vue de toute la ville. Eugène en fut fort fâché, et fit des menaces à Étienne Colonna, qui l’obligèrent à se retirer auprès du prince de Palestrine, et à lui persuader de chasser le pape ; car à moins que de le faire, toute la maison Colonna, disait-il, est en danger de périr. Le prince ajoutant foi à ces discours, et ayant pitié des amis de Martin V, qui avaient été fort maltraités, résolut de se rendre maître de Rome. Il se saisit de la porte Appia, et s’avança jusques à l’église de Saint-Marc sans commettre nulle violence et sans trouver nulle résistance : mais en cet endroit-là il fallut se battre avec les soldats d’Eugène, secondés par une bonne partie des habitans. Le combat fut rude ; plusieurs y perdirent la vie de part et d’autre. Le prince de Palestrine fut obligé de se retirer ; mais il exerça dans la suite toutes sortes d’hostilités. Le pape en fit autant sur les Colonnes, et sur leurs fauteurs. Il tomba malade ; soit qu’on l’eût empoisonné, soit à cause du chagrin que lui donnait une guerre si embarrassante. C’est pourquoi il ne songea qu’à faire la paix ; et l’ayant conclue par la négociation d’Angélotto Fosco, citoyen romain [b], il recouvra sa santé [c]. Ceci ce passa un peu avant que l’empereur Sigismond fit le voyage d’Italie. Le pape fit un traité avec lui, et le reçut magnifiquement à Rome, et l’y couronna [d]. Quelque temps après il fut exposé à une terrible infortune : ce fut une révolution dans toutes les formes (B) : les Romains se soulevèrent, et il eut bien de la peine à éviter par la fuite les effets de leur fureur ; mais ils ne purent point se maintenir dans l’état de liberté que cette révolution leur donna ; ils essuyèrent de très-rudes châtimens. Eugène mourut le 22 de février 1447, à l’âge de soixante-quatre ans [e]. Son pontificat, à quelques jours près, dura seize années, et fut un vrai train de guerre ; car sans compter les contestations ecclésiastiques, et fort violentes, qui

  1. Ex eodem, ibidem.
  2. Ex eodem Platinâ, ibidem.
  3. Nauclerus, generat. XLVIII, fol. m. 934.
  4. L’an 1433.
  5. Platina, in Vitâ Eugenii IV ; Volaterr., lib. XXII, pag. m. 815, ne lui donne que soixante-trois ans.