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ÈVE.

torien : Abderamen.....cùm amnes Garumnæ et Dordoniæ pertransisset, Eudonem de quo diximus invenit ad prælium præparatum, sed infelicitate præteritâ comitatus in fugam dilabitur fugitivus, et tot ibi de ejus exercitu ceciderunt quod ejus numerus omnæ humanæ scientiæ occultatur. Il ajoute un fait très-faux : savoir qu’Abdérame pilla et brûla la ville de Tours.

(E) Il combattit avec Charles Martel dans la fameuse bataille où Abdérame fut tué. ] Plusieurs historiens [1] lui donnent la principale part à cette insigne victoire[2] ; car ce fut lui, disent-ils, qui força le camp des Sarrasins, où ayant tout passé au fil de l’épée, sans distinction d’âge ni de sexe[3], il alla charger l’ennemi par derrière ; et alors comme ils se crurent enveloppés de toutes parts, ils perdirent courage, et se débandèrent. Mais si ces historiens n’avaient pas eu de meilleurs mémoires sur ce fait-là, que sur ce qu’ils avancent hardiment qu’Eudes introduisit Abdérame dans la France, ils ne mériteraient pas d’être crus. Je sais bien que Frédégaire[* 1] débite ce dernier fait. Voyez Catel, au livre III de ses Mémoires de l’Histoire du Languedoc, où en examinant cette question il penche vers la négative, quoiqu’il avoue qu’Adon de Vienne, les Annales publiées par Pithou, Sigebert, Marianus Scotus, Herman Contract, et plusieurs autres historiens, ont écrit qu’Eudes, pour s’opposer à Charles Martel, avait appelé les Sarrasins à son aide. J’ai réfuté cela dans l’article d’Abdérame[4].

(F) Il mourut de chagrin dans la méme année. ] L’annaliste de Fulde s’est trompé en mettant sa mort sous l’an 728. Rhéginon s’est aussi trompé dans les paroles rapportées ci-dessus, où il dit que Charles ôta à Eudes la vie et le royaume. Frédégaire raconte la chose plus exactement : il dit que Charles ayant appris la mort d’Eudes, tint conseil, repassa la Loire, alla jusques à la Garonne, prit Blaie, etc.

  1. * Leclerc observe que, dans cette remarque et dans la suivante, Bayle devait citer le continuateur de Frédégaire, et non Frédégaire lui-même, mort avant le temps dont on parle.
  1. De Serres, Du Haillan, etc.
  2. Voyez la remarque (K) de l’article Abdérame, tome I, pag. 32.
  3. Les Sarrasins étaient entrés en France, dit-on, avec femmes et enfans.
  4. Remarque (I) tome I, pag. 32.

ÈVE[* 1], femme d’Adam, fut ainsi nommée par son mari à cause qu’elle devait être la mère de tous les vivans[a]. Elle fut formée d’une des côtes d’Adam, et amenée auprès de lui afin qu’elle fût sa femme[b]. Dieu leur donna sa bénédiction, et leur commanda de foisonner, de multiplier, et de remplir la terre[c], et néanmoins Adam ne s’avisa de son devoir conjugal qu’après que lui et sa femme eurent violé la défense que Dieu leur avait faite. Ce fut Ève qui désobéit la première à l’ordre de Dieu. Elle se laissa tromper par les mensonges et par les belles promesses du serpent (A), et puis elle sollicita son mari à la même désobéissance. Les incommodités de la grossesse, les douleurs de l’accouchement et la sujétion à son mari furent les peines à quoi Dieu la condamna. Adam ne la connut qu’après qu’ils eurent été chassés du jardin d’Éden (B). Ce n’est pas une preuve nécessaire que cela fût incompatible avec l’état d’innocence (C). Ils eurent plusieurs enfans, dont Caïn fut le premier, Abel le second : quant à Seth, il ne vint au monde qu’après qu’Abel eût été tué par Caïn. Voilà ce qui est indubitable, puisque la pa-

  1. * Joly trouve cet article fort long, et dit que Bayle abuse de son temps et de celui de ses lecteurs, en suppléant par des cootes impertinens, et qu’il reconnaît pour tels, à ce que Moïse ne nous a pas appris au sujet de la première femme.
  1. Genèse, chap. III, vs. 20.
  2. Là même, chap. II, vs. 22.
  3. Là même, chap. I, vs. 28.