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ÉPICURE.

se trouve dans les termes un certain Épicure, appliqués à celui de cet article. Je crois que, se souvenant qu’il y a eu diverses personnes du nom d’Épicure[1], il s’est figuré que celui à qui Stobée donne l’épithète de Gargettien est un de ceux qui sont différens du fondateur de la secte épicurienne. Afin que mes lecteurs puissent juger si ma conjecture est bien fondée, je rapporterai tout le passage de Cruquius. Je le tire de son Commentaire sur ces paroles d’Horace, Gallis hanc Philodemus, qui sont au vers 121 de la IIe. satire du Ier. livre. Fuit hic Philodemus Epicurus (ut Strabo scribit) patriâ Gadaræus, quem Asconius Pedianus in oratione Cic. pro Lucio Pisone scribit Epicureum fuisse eâ ætate nobilissimum : sed arbitror apud Asconium legendum esse pro Epicureum, Epicurum dictum, ut habet Strabo, vel hunc ex illo restituendum : tamen Epicuri cujusdam (quem etiam Gargettium nominat) frequens est mentio apud Stobæum. Ce tamen témoigne que l’auteur aimerait mieux que l’on mît le mot Epicurus dans Asconius Pedianus, que si l’on mettait dans Strabon le mot Epicureus, et je ne sais même s’il n’a pas voulu insinuer que l’Épicure Gargettius de Stobée, et l’Épicure Gadaræus de Strabon, ne diffèrent que parce que les copistes ont altéré l’orthographe. En tout cas, il insinue manifestement que puisque Stobée a fait mention d’un Épicure Gargettien, il est très-probable que Strabon parle d’un Épicure Gadarien. Or, c’est distinguer, ce me semble, ces deux Épicures d’avec celui qui fut fondateur de secte. On pourrait critiquer bien d’autres choses à Cruquius. 1o. Le Philodème d’Horace n’est point celui d’Asconius Pédianus, car les maximes de celui d’Horace, en matière d’amour, sont directement opposées à celles du Philodème de Pedianus[2]. 2o. Il n’est pas vrai qu’on puisse lire dans Strabon[3] Epicurus au lieu d’Epicureus. 3o. La harangue de Cicéron n’est pas pour Pison, mais contre Pison, et d’une manière très-violente.

(B) ...... l’an 3 de la 109e. olympiade. ] Il faut relever ici une faute de Vossius. Il met la mort d’Épicure à la 107e. olympiade. At Epicurus est mortuus Olymp. CVII, quo tempore Philippus Alexandri M. parens, duodecimum regnabat annum[4]. On ne peut pas le disculper en disant qu’il avait écrit Olymp. CXXVII, qui est le vrai temps de la mort de ce philosophe[5], mais que l’imprimeur oublia deux lettres numérales. Cette apologie serait ici très-inutile : ce serait le précipiter dans une erreur aussi palpable que celle dont on le voudrait justifier ; on le chargerait d’avoir cru que l’an 12 du règne de Philippe, père d’Alexandre-le-Grand, appartient à la 127e. olympiade. Concluons donc que la faute était dans son manuscrit. Or il est bien étrange que sa mémoire ait été assez infidèle ce jour-là, pour lui laisser écrire qu’Épicure sortit du monde avant qu’Alexandre montât sur le trône.

(C) Et sa mère Chérestrata. ] Je ne sais sur quoi se fonde M. Moréri, quand il dit qu’elle était sortie d’une famille très-noble. Laërce et Gassendi qu’il cite n’en disent rien. Il la nomme Chérécrate dans l’article d’Épicure : c’est sa seconde faute. Ses péchés d’omission lui peuvent être reprochés, car il y avait deux choses curieuses à dire sur cette femme.

I. Elle s’en allait avec son fils jusque dans les maisons désertes, pour en chasser les lutins à force de prières. C’est ainsi que le docte M. du Rondel[6] a rendu ce grec de Diogène Laërce : Σὺν τῇ μητρὶ περιϊόντα αὐτὸν ἐς τὰ οἰκίδια καθαρμοὺς ἀναγινώσκειν[7]. Il a expliqué la chose plus amplement dans son édition latine, et toujours d’une manière avantageuse

  1. Diog. Laërce, liv. X, num. 26, en compte quatre. M. Ménage, ibid., en compte trois autres, outre lesquels Gassendi, Præfat. de Vitâ et Moribus Epicuri, parle d’un Épicure, faiseur d’emplâtres, dont Galien fait mention.
  2. Voyez M. Dacier, sur la IIe. satire du Ier. livre d’Horace, pag. m. 176.
  3. Lib. XII, pag. 52. Diogen. Laërce, liv. X, num. 3, appelle épicurien ce Philodème. Voyez là-dessus M. Ménage, qui croit, avec le vieux Scoliaste d’Horace, que ce poëte a parlé de ce Philodème.
  4. Vossius, de Histor. græc., lib. I, cap. XXI, pag. m. 137.
  5. Laërt, lib. X, num. 15.
  6. Du Rondel, dans la Vie d’Épicure, pag. 3 et 4.
  7. Diog. Laërt., in Epicuro, lib. X, num. 4.