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CHARLES-QUINT.

non allexerat) sensit tùm primùm nuditatem suam. Accessitque et illud, quòd ex centum nummûm aureorum millibus, (quem sibi reditum ex immensis opibus tantummodò seposuerat) quùm eorum parte opus tunc esset, quâ famulos aliquot donaret, dimitteretque, expectandum ei plusculùm, nec sine stomacho Burgis fuit, dum ea videlicet summa aliquandò redderetur. Quam ille offensionem sicut dissimulanter haud tulit, ita occasionem nonnullis fortè præbuit affirmandi, regnis vix ejuratis, cœpisse Carolum initi consilii pœnitere. Quamquam alii ipso ejurationis die mutâsse illum sententiam ex eo narrant, quòd aliquot post annis, quum cardinalis Granvellanus ex occasione Philippo regi revocâsset in mentem, anniversarium illum esse diem, quo Carolus pater imperio regnisque cesserat ; responderit illicò rex : Et hunc quoque diem anniversarium esse, quo illum cessisse pœnituit. Quod incerto rumore prolatum facilè percrebruit apud homines, non sibi in tam inaudito facinore constantiam vel unius diei persuadentes. Nisi fortè Philippus non putavit in parente laudandum, quod imitandum sibi non statueret. On a prétendu que le roi Philippe fit bien pis que de n’être pas ponctuel sur le paiement de la pension. Il la diminua, dit-on, des deux tiers. Écoutons Brantôme. « J’ai lu dans un petit livre fait en Flandres, inscript l’Apologie du prince d’Orange, une chose étrange, que je ne veus ni puis croire ni être croyable, étant faite des ennemis du roi d’Espagne ; possible aussi ce pourroit être, je n’affirme rien, si non ce que j’ay vu et bien certainement sceu, que de cent mille escus reservez ou autre revenu, le roi son fils lui en retrancha les deux parts, si bien que la pluspart du temps il n’avait le moyen de vivre ni pour lui ni pour les siens, ni pour donner ses aumônes et exercer ses charitez envers ses vieux serviteurs et fidèles soldats, qui l’avoient si bien servi, ce qui lui fut un grand despit et creve-cœur, qui lui avança ses jours [1]. » En général, on peut dire que l’ingratitude a mis son principal trône dans la conduite des enfans envers les pères.

(P) Il n’oublia point, dit-on, de se donner la discipline. ] Strada n’en parle que sur le ton affirmatif [2], et il n’est pas le seul qui assure que le fouet employé par Charles-Quint, et teint de son sang, est gardé comme une espèce de relique. Ce qu’il dit que le roi Philippe II se fit porter le fouet de son père, et le mit entre les mains de son fils, est confirmé par d’autres historiens. Vous trouverez cela dans les mémoires de Chiverni [* 1][3], et dans les mémoires de Brantôme : je ne citerai que ce dernier. Il fit aussi tirer hors d’un coffret un fouet de discipline, qui étoit sanglant par les bouts ; et le tenant en haut il dit : ce sang est de mon sang, non toutesfois proprement du mien, mais de celui de mon père, que Dieu absolve ; lequel avoit accoutumé de se servir de cette discipline. Je l’ai bien voulu déclarer [4]. Scioppius se vante d’avoir manié ce fouet dans le monastère de l’Escurial. Quod ego in monasterio Laurentiano manibus tractavi et Car. V. sanguine, ut aiebant, adhuc oblitum vidi. Il raille Strada d’avoir observé que ce fouet est encore teint du sang de Charles ; car c’est une preuve que les descendans de cet empereur ont laissé sa discipline pendue au croc, sans lui donner aucun exercice sur leurs épaules, ce que Scioppius ne trouverait point mauvais. Ce qu’il dit là contre les flagellations est assez curieux. Vereor ne Austriaci principes pietatem suam frigidè laudatam putent, cùm flagellum illud adhuc Caroli sanguine notatum prædicetur : quod argumento est, id ipsos jam octoginta annos ferreatum de parietibus clavo pependisse, nec vel filii ejus vel ne-

  1. (*) Tous ces faits sont tirés d’un petit livre in-8°., imprimé en 1600 à Mayence, chez Zacharie Durant, sous le titre de Testament de Philippe II. Rem. crit.
  1. Brantôme, Capitaines étrangers, tom. I, pag. 39.
  2. Quin etiam plexo è funiculis tormento.… exigere à sese anteactæ vitæ pœnas perseverè cæpit. Quos indè funiculos à Philippo rege reverenter habitos, ab eoque morti proximo afferri ad se jussos, et, ut erant cruore Caroli patris aspersi, filio Philippo III traditos, inter Austriacæ monumenta pietatis asservari fama est. Strada, dec. I, lib. I, pag. 14.
  3. Pag. 294, édit. de Paris, 1636, in-4°.
  4. Brantôme, Capitaines étrangers, tom. II, pag. 105.