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CHARLES-QUINT.

pape, l’an 1536 (E). On n’eut pas sujet en France d’être content des ambassadeurs de la nation qui assistèrent à cet acte (F). Bien des gens l’ont accusé d’avoir fait une grande faute lorsqu’il se livra à la bonne foi de François Ier. (G). Il faut être bien satirique pour appeler cela une faute (H). Les historiens flamands ont été, ou fort simples, ou fort malhonnêtes, en rapportant ce qui se passa en cette rencontre (I). La levée du siége de Metz fut une des rudes mortifications qu’il eût essuyées en toute sa vie ; et on lui fait dire un bon mot sur l’ascendant que l’étoile de Henri II prenait sur lui (K). Quelque grands succès qu’il ait eus dans ses entreprises, il est néanmoins certain que son histoire n’est qu’un mélange de bonheur et de malheur (L). Son abdication est quelque chose de fort singulier : ce fut un beau thème pour les faiseurs de réflexions ; ils dirent des choses bien différentes sur ses motifs (M), et sur les occupations de sa solitude (N) ; et quelques-uns prétendirent qu’il se repentit bientôt d’avoir cédé ses états à un fils surtout qui en témoigna si peu de reconnaissance (O). Il n’oublia point, dit-on, de s’y donner la discipline (P) : et en général quelques auteurs parlent fort avantageusement de sa piété (Q). D’autres prétendent qu’il avait plus d’ambition que de religion (R), et qu’il mourut presque luthérien (S). La première de ces deux choses est plus probable que la dernière. On cite mal à propos sur celle-ci l’apologie du prince d’Orange (T). Charles-Quint ne fut pas exempt de l’infirmité humaine par rapport aux femmes, et il était beaucoup plus sobre que chaste (U). Il mourut le 21 de septembre 1558, dans le monastère des hiéronymites où il avait choisi sa retraite. Son corps y fut laissé en dépôt jusqu’à l’arrivée du roi Philippe II en Espagne. On lui fit de magnifiques funérailles quelque temps après. Celles qui lui furent faites à Bruxelles dans l’église de Sainte-Gudule furent infiniment superbes : aucun de ses exploits ne fut oublié dans les inscriptions qui décorèrent l’église [a] ; et je ne crois pas que l’on ait jamais donné autant de titres à aucun prince du monde qu’on lui en donna alors. Si le sujet était grand, l’imagination et la rhétorique des Espagnols le furent aussi ; et sûrement les historiens de ce prince auraient plus honoré sa mémoire, s’ils avaient donné plus de bornes à leurs louanges. Une page de M. de Thou [b] est préférable à un volume de Sandoval, parce que M. de Thou, bon français, n’est point suspect de flatterie..….. On n’a pas manqué d’observer que plusieurs présages distinguèrent la mort de cet empereur [c]. On a même débité que son cadavre fut préservé de la pouriture (X). Sa vie fut publiée en italien, l’an 1559, par un Espagnol nommé Alfonse Ulloa, et depuis ce temps-là bien d’autres plumes se sont

  1. Voyez Brantôme, Mémoires des Capitaines étrangers, tom. I, pag. 44.
  2. C’est la 430e. du XXIe. livre de l’édition de Francfort, 1625.
  3. Voyez sur cela les Pensées diverses sur les Comètes, pag. 265, et aussi pag. 279, 294.