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DENYS.

les lui demanda en présent. Il la refusa d’abord ; mais comme elle était adroite, et qu’il commençait à être bon homme à cause de son grand âge [1], elle obtint enfin ce beau présent, et envoya dans Héraclée un gouverneur qui traita fort durement cette ville [2]. Il ne faut pas oublier que du mariage de Lysimachus et d’Amastris sortit un fils nommé Alexandre. C’est Polyænus qui nous l’apprend [3] : le passage est si corrompu, qu’on n’y a trouvé la vraie leçon qu’après bien des tentatives. Le manuscrit de Casaubon portait Ἀλέξανδρος Λυσιμάχου καὶ Μηςριοῦδ᾽ ὑιος. Ce grand critique corrigea Μηςριοῦδ᾽ par Μηκρίδης. Grentemenil a conjecturé plus heureusement que lui ; car il a cru qu’il fallait lire Ἀμάςριδος. Un autre savant [4] qui, au fond, est dans la même pensée, aime mieux lire Ἀμήςριος ou Ἀμάςριος. Il montre [5], par une médaille de notre Amastris, que le génitif de ce nom était Ἀμάςριος. aussi-bien qu’Ἀμάςρεως, et il cite Hérodote, qui a dit Ἀμάςριος au génitif. Il observe que Saumaise [6] et Tristan [7] se sont trompés, ayant cru qu’Amastris était sœur de Darius.

(D) ...... C’est elle qui fit bâtir la ville d’Amastris. ] Cette ville fut l’une des trois que Lysimachus vanta à sa femme. Étienne de Byzance reconnaît bien que cette ville emprunta son nom d’Amastris, nièce du dernier Darius, et femme de Denys, tyran d’Héraclée [8] ; mais il veut qu’avant cela elle ait été appelée Cromna. Il aurait mieux fait s’il se fût scrupuleusement attaché à Strabon, qui rapporte [9] qu’Amastris, fille d’Oxyathre, etc., unit ensemble quatre bourgs, et en composa une ville qui fut nommée Amastris. Ces quatre bourgs s’appelaient Sésamus, Cytorus, Cromna et Teïus. Ils étaient en Paphlagonie. Il est étonnant que Mela [10] fasse mention de Sésame, de Cromna, de Cytore et de Teïus, sans dire un seul mot d’Amastris. On ne peut pas me répondre que l’union de ces quatre lieux, sous le nom d’Amastris, ne dura que pendant la vie de la reine Amastris, et qu’ensuite chacun reprit son indépendance et son premier nom ; car, si cela était vrai, Strabon n’assurerait pas qu’il n’y eut que Teïus qui rompit l’union. Les trois autres, ajoute-t-il [11], continuèrent la communauté, et l’un d’eux, savoir Sésame, fut la forteresse d’Amastris. Nous voyons dans Pline une faute toute semblable à celle d’Étienne de Byzance. Sesamum oppidum, dit il [12], quod nunc Amastris. On pourrait excuser ces deux auteurs, en disant qu’Amastris, par rapport à quelques-unes de ses parties, avait eu autrefois nom Cromna et Sésamus. Il y a une faute dans le scoliaste d’Apollonius sur le 943e. vers du IIe. livre [13]. Il faut lire que Sésame changea son nom, non pas en celui de Damatris, à cause de la nièce de Darius, mais en celui d’Amastris. Cette ville a été célèbre. Les rois de Bithynie s’en emparèrent [14]. Pline le jeune la loue beaucoup : Amastrianorum, dit-il [15], civitas et elegans et ornata habet inter præcipua opera pulcherrimam eandemque longissimam plateam. Il prie Trajan de fournir les frais nécessaires pour couvrir les égouts qui passaient par la belle place de cette ville. Il reçut une réponse favorable. Lucien [16] témoigne qu’il y trouva bien des philosophes disciples de Timocrate.

  1. Ἦν γὰρ δεινὴ περιελθεῖν ἡ Ἀρσινόη, καὶ τὸ γῆρας ἤδη Λυσίμαχον εἶχεν εὐεπιχείρητον. Ingeniosa enim ad circumveniendum fuit Arsinoë, et jam senectus ipsa mansuefactum dederat Lysimachum. Phot., Biblioth., pag. 713.
  2. Tout ceci est tiré de Memnon, dans Photius, num. 224.
  3. Lib. VI, pag. 443, apud Ezech. Spanhemium, de Præst. Numismat., pag. 466.
  4. Spanhem., ibid.
  5. Ibidem, pag. 465.
  6. Ad Solinum, pag. 889.
  7. Comment., tom. I, pag. 688.
  8. Catanée, in Plin., epist. XCIX libri X, impute faussement à Étienne d’avoir dit qu’Amastris fut femme de Denys, tyran de Sicile.
  9. Lib. XII, pag. 375.
  10. Lib. I, cap XIX. Le père Hardouin, in Plinium, lib. VI, cap. II, pag. 650, lui impute d’avoir dit que la forteresse d’Amastris se nomme Sésamus. Méla ne le dit point.
  11. Strabo, lib. I, cap. XIX.
  12. Plinius, lib. VI, cap. II, pag. m. 650.
  13. M. de Spanheim, de Præst. Num., pag. 465, observe qu’Holstenius a corrigé cette faute dans ses notes sur Apollonins
  14. Photius, Biblioth., pag. 720.
  15. Epist. XCIX libri X.
  16. In Pseudomanti.