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DENYS.

tir la ville d’Amastris (D). J’ai oublié de dire que notre Denys avait honte de sa grosseur ; et c’est pour cela que lorsqu’il donnait audience, ou lorsqu’il rendait justice, il se mettait dans quelque armoire, qui faisait qu’on ne lui voyait que le visage [a]. Quelques bannis d’Héraclée l’appellent le gros pourceau, dans l’une des comédies de Ménandre [b].

    s’en trouvent dans Photius, Biblioth., num. 224, pag. m. 708 et suivantes.

  1. Élien, Hist. div., lib. IX, cap. XIII, Athen., lib. XII, cap. XII, pag. 549. Ils parlent aussi des aiguilles qu’on lui fichait dans le corps pour le réveiller.
  2. Apud Athenæum, ibidem.

(A) Alexandre l’eût détrôné..……, s’il n’avait esquivé le coup par mille souplesses de politique. ] L’une de ces souplesses fut de faire sa cour à Cléopâtre [1] : c’est l’ordinaire, on ne fait rien sans le sexe ; il y a partout quelques femmes qu’il faut mettre dans ses intérêts, si l’on veut faire réussir ses entreprises. Mais je voudrais bien savoir qui est cette Cléopâtre : serait-ce la sœur d’Alexandre, que Philippe maria au roi d’Épire [2], et qui s’assura de la Macédoine sur un faux bruit qu’Alexandre avait été tué [3] ? C’est apparemment elle-même. Son crédit était grand sans doute et auprès d’Olympias sa mère, et auprès d’Alexandre son frère. Il fut fort grand depuis la mort de ce prince : nous voyons qu’Eumènes l’alla voir à Sardes pour s’autoriser du nom de cette princesse. Indè Sardis profectus est ad Cleopatram sororem Alexandri Magni, utejus voce centuriones principesque confirmaret, existimaturos ibi majestatem regiam verti undè soror Alexrandri staret. Tanta veneratio magnitudinis Alexandri erat, ut etiam per vestigia mulierum favor sacrati ejus nominis quæreretur [4]. L’historien dont j’emprunte ces paroles avait déjà dit que Perdiccas la rechercha en mariage afin de devenir roi [5]. Cassander, Lysimachus, Antigonus, Ptolomée, et chacun des autres chefs de parti souhaitèrent de se marier avec elle : car ils crurent que les Macédoniens choisiraient pour maître celui qu’elle épouserait ; et ainsi chacun espéra de parvenir à l’empire, pourvu qu’il fût son mari. Antigonus la faisait garder dans Sardes : elle, qui ne l’aimait pas, et qui souhaitait de se joindre à Ptolomée, cherchait les moyens de s’évader. Le gouverneur de la ville l’en empêchait, et enfin, par ordre d’Antigonus, il se servit de quelques femmes pour la faire mourir. Antigonus, voulant éviter l’infamie d’un tel meurtre, fit punir de mort quelques-unes de ces femmes, et fit enterrer magnifiquement cette princesse [6]. C’est ainsi qu’on se joue du public : les princes méritent mieux d’être appelés comédiens, que ceux qui montent sur le théâtre.

(B) La mort d’Alexandre, à force d’être agréable, lui pensa faire tourner l’esprit. ] Voici un effet de la joie bien singulier, et, si je ne me trompe, plus rare que celui de faire mourir. On compte plusieurs personnes qui sont mortes de joie [7] ; mais je ne me souviens point d’avoir lu que bien des gens en aient perdu l’esprit. C’est ce qui m’oblige à citer les propres paroles de Photius : Εὐθυμίας μὲν ὁ Διονύσιος ἄγαλμα, τὴν ἀγγελίαν ἀκούσας, ἱδρύσατο· παθὼν τῇ πρώτῃ προσϐόλῃ τῆς ϕήμης ὑπὸ τῆς πολλῆς χαρᾶς, ὅσα ἄν ἡ σϕόδρα λύπη δράσειε· μικροῦ γὰρ περιτραπεὶς, εἰς τὸ πεσεῖν ὑπήχθη καὶ ἄνους ὤϕθη γενόμενος. Lætitiæ statuam consecravit : et ad primum famæ ad-

  1. Ἐξέπεσεν ἄν, εἰ μὴ συνέσει πολλῇ καὶ ἀγχινοίᾳ καὶ τῇ τῶν ὑπηκόων εὐνοίᾳ, καὶ θεραπείᾳ Κλεοπάτρας, τοὺς ἀπειληθέντας αὐτῷ πολέμους διέϕυγε. Et excidisset sanè, nisi prudentiæ et sagacitate mendis, et studiis civium, et suis erga Cleopatram obsequiis, bella, cum minis sibi denuntiata, effugisset. Photius, Biblioth., pag. 709, num. 224.
  2. Justin., lib. IX, cap. VII, et lib. XIII, cap. VI.
  3. Plutarchus, in Alexandro, pag. 702.
  4. Justin., lib. XIV, cap. I.
  5. Ut viribus auctoritatem regiam acquireret. Justin., lib. XIII, cap. VI. Voyez aussi Diodore de Sicile, liv. XVIII, chap. XXIII.
  6. Tiré de Diodore de Sicile, lib. XX, cap. XXXVIII, ad ann. 1 olymp. 118.
  7. Voyez Valère Maxime, lib. IX, chap. XII, et Pline, lib. VII, chap. LIII.