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DEMPSTER.

des : il lui fit mettre chausses bas, et l’ayant fait charger sur les épaules d’un gros drôle, il le fouetta d’importance en pleine classe. L’écolier, pour tirer raison de cet affront, fit entrer dans le collége trois gentilshommes de ses parens, et gardes du corps. Dempster fit armer tout le collége, coupa les jarrets aux chevaux de ces trois gardes devant la porte du collége, et le mit en tel état de défense, que ce fut à ces trois messieurs à lui demander quartier. Il leur accorda la vie, mais il les fit traîner en prison dans le clocher, et ne les relâcha qu’après quelques jours. Ils cherchèrent une autre voie de se venger ; ils firent informer de la vie et mœurs de Thomas Dempster, et firent ouïr des témoins contre lui. C’est ce qui l’obligea à passer en Angleterre [1].

(B) Sa femme montrait à nu la plus belle gorge et les plus blanches épaules du monde. ] Citons Nicius Erythreus. Ubi (in Angliâ) non modò tutum ab insectatoribus suis perfugium ; verùm etiam mulierem nactus est, formâ et vultu adeò liberali, aded venusto, ut nihil supra, quam in uxoris habuit loco. Quæ mulier, cùm luce quâdam, Parisiis, quò rursus Thomas cum eâ se receperat, conspecta esset, et quia formâ præstabat, ut diximus, et quia habitu erat dementissimo ; nam et pectus et scapulas, nive ipsâ candidiores, omnium oculis expositas habebat ; tantus, visendi gratiâ ; hominum concursus actus est, ut nisi se in domum cujusdam, unà cum viro recepisset ; nihil propius factum esset, quùm ut ambo à multitudine opprimerentur [2]. Cela nous doit apprendre combien il importe de se conformer aux coutumes des lieux où l’on est, et principalement par rapport aux bienséances publiques.

(C) On a plusieurs ouvrages de sa façon. ] Ses supplémens sur Rosinus de Antiquitatibus Romanis [* 1] témoignent qu’il avait beaucoup de lecture. il fit des commentaires sur Claudien et sur Corippus [3] ; quatre livres de lettres, plusieurs pièces de théâtre et d’autres sortes de poésies [4] ; quelques livres en droit ; un apparatus à l’histoire d’Écosse, un martyrologe d’Écosse, et une liste des écrivains écossais [5] : c’est avec raison que je dis liste, car il ne donne que le simple nom des gens.

(D) Vous trouverez dans Moréri diverses académies dans lesquelles il enseigna, mais non pas toutes. ] M. Moréri ne parle point de l’académie de Nîmes, où Dempster emporta à la dispute une chaire de professeur. C’est lui-même qui nous l’apprend [6] : Quem (locum Virgilii) ut nodum mihi insolubilem objecit quidam, dum professionem in regiâ Nemausensium academiâ, disputationi commissam, magno licet concursu, obtinui, rejectisque aliis, solus, quod inter plures dividere volebant quidam ardeliones, summo cum honore consequebar, senatu faventissimo, unico Barnerio in tot egregiis viris, et omni litterarum genere eminentibus, contradicente, maximo consensu consulum, civiumque que aliorum, exceptis quibusdam, quos si mererentur nominarem, nunc quia indigni sunt tanto honore, cum suo livore, imo et malignitate callida intermori patiar, potiùss quàm nominibus compellatos vivere meo beneficio velim. Le passage qu’on lui proposa comme un nœud indissoluble est celui-ci :

Non ego te, mensis es Diis accepta secundis
Transierim, rhodia, et tumidis, bumaste, racemis [7].


Il y a beaucoup d’apparence qu’en ce temps-là il passait pour huguenot [8] ; car l’académie de Nîmes n’était destinée que pour ceux de la religion.

(E) C’était un homme d’une prodigieuse mémoire. ] Il disait qu’il ne savait ce que c’était que d’oublier. Mentis acumine satis valuit, sed memoriæ tenacitate longè plurimùm, adeò ut multoties diceret, ignorare se

  1. * La première édition des Antiquités de Rosin avec les additions de Dempster est, dit Joly qui cite Niceron, de 1613, in folio.
  1. Ex Nicio Erythr., Pinacoth. I, pag. 24.
  2. Idem, ibid., pag. 25.
  3. Erythreus a fait ici une faute : au lieu de Corippum, il dit Crispum.
  4. Erythr., Pinacoth. I, pag. 26.
  5. Myræus, de Script. sæc. XVI, num. 147.
  6. Dempst. Paralipom., ad cap. III libri V Antiquit. Romanar. Rosini, pag. m. 872.
  7. Virgil., Georgic., lib. II, vs. 101.
  8. Hankius, de Scriptor. rom, lib. II, pag. 174, dit que Dempster perdit ses biens pour avoir préféré la religion réformée à la romaine ; mais il a pris de travers les paroles de Nicius Erythreus.