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DÉMONT-JOSIUS. DEMPSTER.

DÉMONT-JOSIUS ou DÉMONT-JOSUS (Louis) : cherchez Mont-Josieu, tome X.

DEMPSTER (Thomas), enseignait les humanités à Paris, vers le commencement du XVIIe. siècle. Il était d’Écosse, et il disait, quand il fut passé en France, qu’il avait quitté de grands biens en son pays à cause de la religion catholique. Il se piquait aussi de grande noblesse. Quoique son métier fût celui de régenter, il ne laissait pas d’être aussi prompt à tirer l’épée et aussi querelleur qu’un duelliste de profession. Il ne se passait presque point de jour qu’il ne se battît, ou à coups d’épée, ou à coups de poing, de sorte qu’il était la terreur de tous les régens. Il fit une action de courage à Paris, dans le collége de Beauvais (A), qui l’exposa à des embarras dont il ne voulut pas risquer les suites. C’est pourquoi il se retira en Angleterre, où il trouva non-seulement un asile mais aussi une belle femme qu’il amena avec lui à Paris. Allant un jour par les rues avec cette femme, qui montrait à nu la plus belle gorge et les plus blanches épaules du monde (B), il se vit entouré de tant de gens que la foule les aurait apparemment étouffées tous deux, s’ils n’eussent trouvé un logis à se retirer. Une beauté ainsi étalée, dans un pays où cela n’était point en pratique, attirait cette multitude de badauds. Il passa les monts, et enseigna les belles-lettres dans l’académie de Pise, sous de bons appointemens. Un jour en revenant du collége, il trouva qu’on lui avait enlevé sa femme : ses propres disciples avaient prêté la main à ce rapt. Il s’en consola en stoïcien [* 1]. Peut-être ne fut-il pas fâché qu’on le délivrât d’un trésor de si difficile garde. Il passa à Bologne, et y fut professeur tout le reste de sa vie. Il y fut aussi agrégé à l’académie della notte [a]. On a plusieurs ouvrages de sa façon (C). Il mourut l’an 1625, selon le Dictionnaire de M. Moréri, où vous trouverez diverses académies dans lesquelles il enseigna, mais non pas toutes (D). C’était un homme d’une prodigieuse mémoire (E), infatigable au travail, chaud ami, et violent ennemi [b]. Il n’avait ni beaucoup de jugement [c], ni beaucoup de bonne foi ; car il publia sans pudeur je ne sais combien de fables (F). Quelques-uns de ses livres furent condamnés par l’inquisition de Rome (G). Les emportemens de sa plume étaient fort propres à l’exposer à cette disgrâce.

  1. * Joly dit au contraire qu’il en fut désolé. Il s’appuie sur le père Niceron qui, dans le tome XXVIII de ses Mémoires, a consacré un article curieux à Dempster, d’après sa Vie écrite par lui-même, et imprimée (avec une continuation) à la fin de son Historia ecclesiastica gentis Scotorum, 1627, in-4o.
  1. Tiré de Nicius Érythr., Pinac. I, pag. 24, 25.
  2. Moribus apertis et simulandi nescius, sive amore odiove quempiam Prosequeretur, utrumque palam. Ut amicis obsequentissimus, ita inimicis maximè infensus. Aub. Miræus, in Script. Sæc. XVI, pag. 161.
  3. Homo multæ lectionis, sed nullius planè judicii. Usserius, Antiq. Brit. eccles., cap. I.

(A) Il fit une action de courage dans le collége de Beauvais. ] Grangier, principal de ce collége, ayant été obligé de faire un voyage, établit Dempster pour son substitut. Celui-ci exerça justice sur un écolier qui avait porté un duel à l’un de ses camara-