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DÉMOCRITE.

montré une différence entre Démocrite et Épicure, de laquelle peu d’auteurs parlent. Il observe que selon Démocrite il y avait dans les atomes, ou une vertu animée et spirituelle qui faisait que les images des objets participaient à la nature divine, ou du moins une âme capable de nous faire du bien et du mal ; mais Épicure ne reconnaissait que la nature d’atome ou de corpuscule dans ses principes. Democritus hoc distare in naturalibus quæstionibus ab Epicuro dicitur, quòd iste sentit, inesse concursiont atomorum vim quandam animalem et spiritualem : quâ vi eum, credo, et imagines ipsas divinitate præditas dicere, non omnes omnium rerum, sed Deorum, et principia mentis esse in universis, quibus divinitatem tribuit ; et animantes imagines, quæ vel prodesse nobis soleant, vel nocere : Epicurus verò neque aliquid in principiis rerum ponit, præter atomos [1]. Je ne sais si Saint Augustin a bien entendu le texte de Cicéron qu’il paraphrase. Il serait excusable de ne l’avoir pas entendu ; car Cicéron ne s’est pas trop clairement expliqué. Quoi qu’il en soit, voici un morceau de la paraphrase de Saint Augustin : Quanto meliùs ne audîssem quidem nomen Democriti, quàm cum dolore cogitarem, nescio quem, suis temporibus magnum putatum, qui deos esse arbitraretur imagines, quæ de solidis corporibus fluerent, solidæque ipsæ non essent, easque hàc atque hac motu proprio circumeundo atque illabendo in animas hominum facere, ut vis divina cogitetur ; cum profectò illud corpus, undè imago flueret, quantò solidius est, tantò præstantius quoque esse judicetur ? Ideòque fluctuavit, sicut isti dicunt, nutavitque sententiâ, ut aliquandò naturam quandam, de quâ fluerent imagines, Deum esse diceret ; qui tamen cogitari non posset ; nist per eas imagines ; quas fundit ac emittit, id est, quæ de illâ naturâ, quam, nescio quam, corpoream et sempiternam ac etiam per hoc divinam, putat ; quasi vaporis similitudine continuâ velut emanatione ferrentur, et venirent atque intrarent in arimas nostras, ut Deum vel Deos cogitare possemus [2]. Voyez la note [3].

(Q) Peu s’en fallut que Platon ne brulât tous les livres de Démocrite. ] Il les ramassa diligemment, et il les allait jeter au feu, lorsque deux philosophes pythagoriciens lui représentèrent que cela ne servirait de rien, à cause que plusieurs personnes s’en étaient déjà pourvues. La haine de Platon envers Démocrite a paru en ce qu’ayant fait mention de presque tous les anciens philosophes, il ne l’a jamais cité, non pas même dans les endroits où il s’agissait de le contredire. Diogène Laërce qui dit cela ajoute que ce fut une politique bien entendue, puisque c’était empêcher qu’on ne s’aperçut que Platon contredisait le plus excellent des philosophes. L’historien eût apparemment mieux frappé au but, s’il se fût servi de la pensée que M. Salo employa en faisant l’extrait d’un livre [4]. On trouve à redire, dit-il [5], que ce cardinal témoigne que son principal dessein est de faire voir toutes les fautes qui se trouvent dans Fra-Paolo, et de ce qu’il nomme cet auteur presque dans tous les chapitres de son livre. On dit que Baronius en a usé avec beaucoup plus d’adresse. Parce que bien qu’il eut entrepris ses annales pour combattre les hérésies et les faussetés des Centuriateurs de Magdebourg : néanmoins il s’est bien donné de garde de les contredire visiblement dans son livre, mais il a fait son histoire purement et simplement, sans les nommer que sous le nom général d’hérétiques et de novateurs. Et la raison qui l’a obligé d’en user de la sorte, est qu’il a jugé que le moins qu’on en pourrait parler sera le mieux ; de crainte d’exciter la curiosité du monde, et de faire venir l’envie de voir un livre, dont la lecture est toujours dangereuse : au lieu que de la manière qu’en a usé le cardinal Patavicini, on ne peut lire son livre ni le comprendre, qu’on ne lise celui de

  1. Augustinus, epistol. LVI, pag. m. 273.
  2. Augustinus, epist. LVI, pag. m. 273.
  3. Nous verrons dans la remarque (E) de l’article de Leucippe un passage de Plutarque, qui nous apprendra qu’il semble que Démocrite attribuait du sentiment aux atomes.
  4. L’Histoire du Concile de Trente, par le cardinal Palavicin.
  5. Journal des Savans du 23 mars 1665.