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DAURAT.

plorandâ jam pridem egestate premeretur [1]. Papyre Masson reconnaît qu’il ne laissa point de richesses, quoique, dans ses vieux jours il eût senti les bienfaits du roi Charles IX. Excessit è vitâ dives opibus, iis præsertim quas virtus parit, non quibus mortalium genus avidum expleri nequit [2]. Cela réfute invinciblement la prétendue mesquinerie dont le Scaligérana l’accuse, sans qu’on puisse nous objecter la politique dont Charles IX se servait à l’égard des poëtes. Brantôme [3] nous apprend que ce prince aimait fort les vers, et récompensait ceux qui lui en présentaient, non pas tout à coup, mais peu à peu, afin qu’ils fussent toujours contrains de bien faire, disant que les poëtes ressemblaient les chevaux, qu’il faloit nourrir, et non pas trop saouler et engraisser ; car après ils ne valent rien plus. Cette objection serait nulle, puisqu’avec quelque réserve que ce monarque eût gratifié son poëte, il eût pour le moins mis en état de n’être pas pauvre un homme dont l’avarice eût été sordide.

(G) Charles ix... s’était fort plu à s’entretenir avec lui. ] Je m’en vais rapporter tout le passage de Papyre Masson : il fournit matière de critiquer. Carolo nono, dit-il [4], regi christianissimo carissimus atque acceptissimus fuit (Auratus). Is enim in decrepitâ ætate facetias hominis et argutias mirabatur, honestabatque præmiis poëtæ sui venerabilem senectam. Il me semble que cet écrivain a grand tort de donner une vieillesse décrépite à notre poëte, sous Charles IX : ce n’est pas ainsi qu’on parle d’un homme qui n’a que soixante ou soixante-cinq ans, qui en vit plus de quatre-vingts sans presque aucune maladie, et qui fait des enfans peu d’années avant sa mort. Or, c’est ce qui convient à Daurat, selon Papyre Masson duquel voici les paroles [5] : Propè octogenarius aliquot jam pridem procreatis liberis, amissâque priori conjuge, adolescentulam duxit, ex eâque Polycarpum, seniles delicias, filiolum incredibili gaudio suscepit, blandiusculé cum eo colludens, et instar simiæ manibus efferens....... [6] decessit prosperâ férè semper usus valetudine....... anno Domini 1588........ major octuagenario [* 1]. D’autre côté il est notoire que le règne de Charles IX ne s’étend que depuis 1561 jusqu’en 1574. Au reste, Lorenzo Crasso, qui a cru que ce fut le roi Henri II qui conféra à Daurat le titre de poëta regius [7], ne savait pas que cet honneur est de plus ancienne date. Voilà Papyre Masson qui dit que Charles IX traitait Daurat comme son poëte.

(H) Il fut précepteur des pages du roi pendant un an. ] M. de Thou n’exprime point la durée de cet emploi ; il ne dit sinon que Daurat l’exerça avant que d’être professeur : Primùm pueris regiis erudiendis admotus, dein....... in regio gymnasio diù professor : passage où le traducteur a commis une bévue ; car il a traduit il fut premièrement employé à instruire les fils[* 2] du roi [8] : mais M. Ménage cite [9] des vers de Daurat, qui prouvent que cette fonction ne dura qu’un an, et qu’elle avait été une rude croix :

Aulica nam passus fastidia mille per annum,
Hunc tandem in portum ventis jactatus et undis,
Nauseam ut evomerem tanti maris, alter Ulysses
Evasi............................


M. Ménage ajoute que Papyre Masson parle de ce préceptorat : c’est ce que je n’ai point trouvé dans les éloges de Papyre Masson.

(I) Il se mêlait d’expliquer les centuries de Nostradamus.......... avec succès. ] M. Teissier [10] cite pour cela Papyre Masson et Sainte-

  1. * Voyez ci-après une note sur la remarque (R).
  2. * Sur cette traduction inexacte, Leclerc remarque que Teissier a corrigé assez heureusement Îe texte de de Thou ; et que si au lieu de fils du roi, il eût mis enfans du roi, il n’aurait rien dit que de vrai. Daurat fut en effet précepteur du duc d’Angoulême, fils naturel, et de trois filles légitimes de Henri II. Daurat fut supplanté en 1555, et renvoyé sans retour et sans récompense.
  1. Thuan., lib. LXXXIX, pag. 175.
  2. Papyr. Masso, Elog., tom. II, pag. 290.
  3. Vie de Charles IX.
  4. Papyr. Masso, Elog., pag. 290.
  5. Papyr. Masso, Elog., tom. II, pag. 289.
  6. Idem, ibid., pag. 290.
  7. Istor., de Poët., pag. 265.
  8. Voyez Teissier, Elog., tom. II, pag. 108.
  9. Rem. sur Ayrault, pag. 187.
  10. Elog., tom. II, pag. 110.