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CÉRATINUS.

gné la langue grecque en particulier à Louvain [a], où il s’était retiré lorsque la guerre et la peste lui firent quitter la charge qu’il avait dans le collége de Tournai. Il mourut à Louvain, le 20 d’avril 1530, à la fleur de son âge [b]. Il était prêtre, et il se passa une chose au temps de son ordination qui mérite d’être sue (D). Il se trompa lorsqu’il écrivit à Érasme qu’il l’avait vu à Deventer (E). On a de lui un traité de Sono Græcarum Literarum, la traduction du premier et du second dialogues de saint Chrysostome sur l’excellence de la prêtrise, et un Lexicon grec et latin (F), qui fut imprimé avec une préface d’Érasme l’an 1524.

  1. Erasm., epist. XII, lib. XVII, pag. 756.
  2. Valère André, Biblioth. belg., pag. 406.

(A) Il se donna ce nom.... à cause qu’il était de Hoorn, en Hollande. ] M. Moréri ne devait pas être en suspens là-dessus : il ne sait si Cératinus était né à Hoorn, en Hollande, ou à Horne, dans le pays de Gueldres. À proprement parler, l’Horne qu’il indique n’est point au pays de Gueldres.

(B) ....... Nous expliquerons cela. ] Hoorn, en flamand, veut dire une corne. En grec, une corne s’appelle κέρας : ainsi Jacques Cératinus est la même chose que Jacques le Cornu, ou le Cornard, titre qui fut préféré à celui de Hornanus, sous lequel cet auteur est quelquefois désigné, et à celui de Teyng, qui était son nom de famille : il fut, dis-je, préféré à tout autre, tant parce qu’il était grec, et que sous cette langue il ne montrait qu’à peu de monde l’infamie qu’on a attachée au mot de corne, qu’à cause peut-être que le célibat de Cératinus le mettait à l’abri des mauvaises allusions auxquelles son nom l’aurait exposé s’il avait eu une femme.

(C) Il a été orné de grands éloges par Érasme. ] Érasme le croyait assez savant pour professer au milieu de l’Italie, et beaucoup plus fort que ne l’avait été Mosellan. Jacobus Ceratinus, dit-il [1], homo tam Græcanicæ litteraturæ callens, ut possit vel in mediâ Italiâ profiteri, nec se ipso inferior in litteris latinis. Dans une autre lettre [2], il s’exprime encore plus fortement : Græcanicæ litteraturæ tam exactè callens ut vix unum aut alterum habeat Italia quicum dubitem hunc commitere, nec in latinis suî dissimilis est. Voici comme il parle en un autre lieu [3] : Succedit Petro Mosellano, sed decem Mosellanis eruditior, etiam Mosellani doctrinam et ingenium haud vulgariter amabam. À l’égard des mœurs, il dit que c’est la meilleure âme du monde, sans fard ni artifice, et si modeste que cela va jusqu’à l’excès. Modestiâ penè immodicâ moribusque planè niveis et ab omni fuco prorsùs abhorrentibus [4] .......Moribus est sincerissimis et ad amicitiam appositis ; adeò ut non minùs videatur natus gratiis quàm musis [5] ........... Habet unum hoc vitium Ceratinus noster, immodicè modestus est, sic verecundus ut penè putidulus sit [6]. Valère André rapporte une bonne partie de ces passages, et cite outre cela Junius, qui a fort loué Cératinus dans ses Proverbes (j’en parlerai ci-dessous), et dans sa Batavia, In quâ à singulari modestiâ ac virginali quodam pudore commendat. Mais Valère André n’a point pris garde que l’éloge d’exactissimi vir judicii, qu’il croit qu’Érasme donne à Cératinus, est pour Henri Stromer, auquel on le recommande. Voyez la Lettre XXIX du XXe. livre [7].

(D) Il se passa une chose au temps de son ordination qui mérite d’être sue. ] Hadrien Junius, compatriote de Cératinus, après avoir répandu sur lui des louanges à pleines mains,

  1. Erasm., epist. XXVIII, lib. XX, pag. 993.
  2. La XXXIe. du même livre, pag. 995.
  3. Epist. XLI, lib. XXX.
  4. Epist. XXVIII, lib. XX, pag. 993.
  5. Epist. XXIX, lib. XX, pag. 994.
  6. Epist. XXXI, lib. XX, pag. 995. Vide etiam epist. XLI, lib. XXX, pag. 1929.
  7. À la page 994.