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CAUSSIN.

être quelque jour une des grandes lumières de votre compagnie. » Comparez cela avec le narré de M. Bullart ; quelle différence ne trouverez-vous pas entre l’original et la copie ! car il ne faut point douter que M. Bullart n’ait copié cet éloge, en tournant à sa manière ce qu’il en prenait. Il n’a pas mieux réussi dans ce qu’on va lire. Le père Caussin « accepta véritablement cette charge difficile [1], et l’exerça quelque temps avec beaucoup de prudence et de piété ; mais voyant la maison royale dans la discorde, il la quitta avec cette même indifférence, et retourna dans son couvent, où, dégagé des troubles d’une cour profane, il donna toutes ses pensées à la composition de ce grand et merveilleux ouvrage de la Cour Sainte. » Cet ouvrage était déjà traduit en latin avant que ce père sortît de la cour [2] ; et, au reste, sa sortie ne fut nullement volontaire : il fallut céder aux persécutions et aux volontés impérieuses du premier ministre ; et l’on ne se retira point dans son couvent, on fut relégué en Basse-Bretagne.

Je suis assuré que la plupart des éloges des hommes illustres sont tout pleins de semblables anachronismes, et que l’on y commet plus souvent que dans les livres de scolastique le sophisme à non causâ pro causâ. Pour éviter cela, il faudrait toujours donner la forme d’annales à l’histoire des grands hommes ; mais les annalistes eux-mêmes ne sont point exempts d’anachronismes ; car il leur arrive souvent de ne parler d’une affaire que sous l’année où elle se termina. Alors ils la reprennent de plus haut, ils en donnent l’origine et les progrès, et entassent cinq on six ans ensemble, sans marquer aucune date : de sorte que leurs lecteurs sont hors des voies de l’exacte chronologie.

  1. Celle de confesseur de Louis XIII.
  2. Voyez dans Alegambe, pag. 157, qu’Henri Lamormaini traduisit en 1636, 1637 et 1638, la plupart des livres de la Cour Sainte. Le père Caussin fut éloigné, si je ne me trompe, en décembre 1637.
FIN DU QUATRIÈME VOLUME.