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CAUSSIN.

règle de saint Ignace, lorsqu’il présenta au public les premiers fruits de son étude. Ce fut ce livre rare des symboles sacrés, qui pénétrant dans les hiéroglyphes des Égyptiens, éclairait les énigmes qu’un auteur ancien nous cache sous ces caractères mystérieux [1]. » On a déjà vu que ce livre fut imprimé l’an 1618, c’est-à-dire, selon le père Alegambe, douze ans après que Caussin fut entré chez les Jésuites. Selon le père Sotuel, il y avait vingt-deux ans que Caussin s’était enrôlé sous la règle de saint Ignace. N’étant pas en état de confronter les éditions, je prie ceux qui en auront la commodité, de voir si l’approbation du provincial des jésuites est bien datée dans l’édition de Cologne. Je parle du livre de Symbolicâ Ægyptiorum Sapientiâ. Cette approbation est datée de la Flèche, le 19 de novembre 1623, dans mon édition qui est de Cologne, in-8o., l’an 1631. Je ne doute point que les imprimeurs n’aient mis 1627 pour 1617. Ainsi je ne veux point me servir de cette date pour prouver que le jésuite Caussin ne fit point son coup d’essai sur les hiéroglyphes des Égyptiens. La préface de cet ouvrage pourrait là-dessus me servir de preuve ; car l’auteur y dit qu’en travaillant à sa Rhétorique, il songea à celui-ci. Cùm libros de triplici eloquentiâ et apparatum quendam ex florentissimâ exemplorum copiâ ad oratoriam facultatem instruerem, adjeci quoque animum ad symbolicam veterum sapientiam. Notez qu’il avait publié un recueil de poésies grecques [2] l’an 1612, et la traduction latine d’un ouvrage de Richeome [3], l’an 1613 ; de sorte qu’on n’a pas pu dire en rigueur que l’explication des hiéroglyphes ait été le premier essai de sa plume. Ces beaux ouvrages (ce sont les paroles de M. Bullart [4], et il parle 1o. des Symboles sacrés ; 2o. de la Pompe royale ; 3o. des Parallèles de l’éloquence sacrée et profanes,), ayant fait connaître son nom à la cour parmi les savans, ses supérieurs voulurent que le prince conmît aussi sa personne. Le père Gonteri, l’un des plus fameux prédicateurs de leur société, le mena au Louvre, et le présenta à Henri IV, qui le reçut avec beaucoup de caresses, et dit en voyant l’éclat qui brillait sur son visage, qu’il serait un jour l’un des plus signalés personnages de sa compagnie. C’est bouleverser la chronologie ; car ces trois ouvrages du père Caussin n’ont paru qu’après la mort d’Henri IV. Les Symboles, qui, selon M. Bullart, ont été le coup d’essai, ne parurent qu’en 1618. Le narré qui est dans l’éloge du père Caussin n’a pas été moins bouleversé que l’ordre des temps. Voici les paroles de l’auteur de cet éloge [5] : « Le père Caussin avait une sympathie toute particulière avec les cieux, nommément avec le soleil, qu’il appelait son astre, et duquel il ressentait des opérations fort notables, tant au corps qu’en l’esprit, selon ses approches et ses éloignemens, et à proportion qu’il se montrait ou qu’il était couvert de nuages. Et cette affinité ne se remarquait pas seulement dans ces rencontres passagères, elle paraissait constamment dans le feu de ses yeux, et dans la couleur vive de son visage, qui portait je ne sais quoi de céleste, et qui toucha autrefois Henri-le-Grand d’un mouvement assez extraordinaire. Ce prince, si judicieux en la connaissance des hommes, l’ayant un jour envisagé encore tout jeune, accompagnant le père Gonteri, l’un des illustres prédicateurs de son temps, ne l’ayant jamais ni vu ni connu, s’avança devers lui, faisant fendre la presse, le prit par la main, lui fit des caresses dont il eut de la confusion, et ceux qui étaient autour de lui de l’étonnement, ajoutant qu’il l’avait bien reconnu parmi tout ce grand monde, et qu’il fallait qu’il le servît bien lui et les siens : et, se tournant vers le père Gonteri, lui dit tout haut, par un pronostic remarquable : Vous avez là, mon père, un compagnon qui me paraît devoir

  1. Académie des arts et des sciences, tom. II, pag. 224.
  2. Thesaurus græcæ poëseos ex omnibus græcis poëtis collectus. Alegambe, Biblioth. Soc. Jes., pag. 351.
  3. Vertit è gallico latinè justa funebria Henrico Magno Galliarum regi à Ludovico Richeomo scripta. Idem, ibid.
  4. Académie des arts et des sciences, tom. II, pag. 224.
  5. Pag. 1 et 2.