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CARDAN.

vante ; mais il discontinua au bout de l’an, parce qu’on ne lui payait point sa pension, et s’en retourna à Milan [a]. Il refusa l’an 1547 une condition avantageuse que le roi de Danemarck lui offrit : l’air et la religion du pays le portèrent à ne pas accepter l’emploi (D). Il fit un voyage en Écosse l’an 1552 (E), et fut de retour à Milan au bout d’environ dix mois [b]. Il s’arrêta dans cette ville jusques à ce qu’au commencement d’octobre 1559, il s’en alla à Pavie, d’où il fut appelé à Bologne l’an 1562. Il professa dans cette dernière ville jusques en l’année 1570 : alors on l’emprisonna, et au bout de quelques mois on le ramena chez lui. Ce ne fut point un plein retour de sa liberté ; car il eut son logis pour prison, mais cela ne dura guère. Il sortit de Bologne au mois de septembre 1571, et s’en alla à Rome. Il y vécut sans aucun emploi public. On l’agrégea au collège des médecins, et il eut pension du pape [c]. Il mourut à Rome le 21 de septembre 1575 [d], si nous en croyons M. de Thou, qui n’a pas été peut-être assez exact (F). Ce récit suffirait à faire comprendre au lecteur que Cardan était d’une humeur très-inconstante ; mais on connaîtra bien mieux les bizarreries de cet esprit, si l’on examine ce qu’il nous apprend lui-même de ses bonnes et de ses mauvaises qualités (G). Cette seule ingénuité est une preuve manifeste que son âme fut frappée à un coin tout particulier (H). Il nous apprend [e], que si la nature ne lui faisait point sentir quelque douleur, il se procurait lui-même ce sentiment désagréable en se mordant les lèvres, et en se tiraillant les doigts jusqu’à ce qu’il en pleurât (I) ; qu’il a voulu quelquefois se tuer lui-même (K) ; qu’il se plaisait à rôder toute la nuit dans les rues [f] ; qu’il n’allait pas jusqu’à l’excès dans les plaisirs de l’amour (L), mais que y s’il en prenait au delà du nécessaire, cela ne l’incommodait pas beaucoup ; que rien ne lui était plus agréable que de tenir des discours qui chagrinassent la compagnie [g] ; qu’il débitait à propos et hors de propos tout ce qu’il savait [h] ; qu’il avait aimé les jeux de hasard jusques à y passer les journées tout entières, au grand dommage de sa famille et de sa réputation [i], car il jouait même ses meubles et les bijoux de sa femme [j] (M). Il raconte ces choses et plusieurs autres avec la dernière naïveté. Je ne doute pas néanmoins que si nous avions sa vie exactement faite par un autre, nous n’y trouvassions beaucoup plus de choses ignominieuses qu’on n’en trouve dans celle-ci, où d’ailleurs il y a bien des endroits par lesquels on peut connaître encore plus clairement que par tout ce que l’on vient de lire, que c’était un homme d’une trempe singulière. Il parle

  1. Ibidem, pag. 20.
  2. Ibidem, pag. 22.
  3. Ibidem, pag. 21, 22.
  4. Thuan., lib. LXII, pag. 155.
  5. Cardanus, de Vitâ propriâ, pag. 30.
  6. Ibidem, pag.. 32.
  7. Ibidem, pag. 60.
  8. Ibidem, pag. 61.
  9. Ibidem, pag. 81.
  10. Ibidem, pag. 94.