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CAPYCIUS.

quier, dit-il [1], donnant à la pensée de ce grand poëte un sens plus juste et une explication plus raisonnable, est d’opinion qu’il use de ce mot par métaphore, et que par ce nom de boucher il entend que Capet était fils d’un vaillant guerrier. M. Bullart venait de dire que ce passage de Dante déplut tellement à François Ier., qu’il commanda qu’on lui ôtât le livre, et fut en délibération de l’interdire en son royaume. Je connais un homme qui soutient que c’est n’avoir pas entendu le français d’Étienne Pasquier ; car, dit-il, les paroles de cet auteur signifient que François Ier. commanda que l’on retranchât du livre de Dante le passage qui concerne Hugues Capet. Ce serait une chose bien étrange si François Ier. avait donné ordre qu’on lui ôtât un livre qui lui déplaisait. Que ne le jetait-il par terre ? Il n’aurait pas été moins efféminé qu’un Sybarite [2], s’il avait voulu donner la peine à un autre de le délivrer de ce fardeau : il aurait été capable de donner ordre qu’on lui chassât du visage une mouche qui l’aurait piqué, et qu’on lui mît dans la bouche les morceaux, afin qu’il n’eût pas la peine d’y porter ses mains. N’en déplaise à ce galant homme, la brusquerie, la vigueur mâle et guerrière de François Ier. ont pu permettre qu’il donnât ordre qu’on lui ôtât de devant les yeux un livre qui lui déplaisait. Ce n’était pas lui qui tenait le livre ; c’était apparemment un maître de langue italienne qui lisait. Parlons plus exactement : il se faisait lire ce poëte par un bel esprit réfugié d’Italie [3]. Cela dissipe toute la difficulté.

  1. Académie des Sciences, tom. II, p. 307.
  2. Voyez dans Athénée, liv. XII, pag. 530, un étrange exemple de paresse d’un Sybarite.
  3. Aloisio Alamanni. Je parle de lui dans l’article Machiavel, remarque (C).

CAPYCIUS (Scipion), en italien Capece, issu d’une ancienne famille de Naples [a], se rendit illustre au XVIe. siècle par les ouvrages qu’il composa (A). Il fut fort considéré d’Isabelle Villamarini, princesse de Salerne, et il la loua beaucoup (B). Le principal de ses poëmes est celui où il a philosophé sur les principes de la nature ; il fut imprimé à Venise l’an 1546, par Paul Manuce, avec un autre poëme du même auteur sur saint Jean Baptiste [b]. On a trouvé fort mauvais que le Gyraldi ait parlé de Capycius comme d’un poëte médiocre (C).

  1. Lorenzo Crasso, Elog., tom. II, pag. 176.
  2. Voyez la remarque (B).

(A) Il se rendit illustre par les ouvrages qu’il composa. ] La plupart sont des poésies. Il fit en prose Magistratuum regni Neapolitani cum Romanorum magistratibus comparatio. Des quatre élégies qu’il publia, la Ire. fut adressée à Antoine Perrenot. cardinal, et vice-roi de Naples ; la IIe. à Jérôme Seripand, aussi cardinal, la IIIe. à Jean-Baptiste Gastaldi, marquis de Cassano ; la IVe. traite des misères de l’auteur, et de celles de son siècle [1]. Quelques-unes de ses épigrammes sont de son invention, les autres sont imitées de l’anthologie. Son poëme de la vie de Jésus-Christ n’a jamais paru : il s’en faut prendre à la négligence d’un ami qui en avait le manuscrit après la mort de l’auteur, et qui ne tint aucun compte de le publier [2]. Voyez dans la remarque suivante ce qui concerne les deux meilleurs poëmes de Capycius.

(B) Il fut fort considéré d’Isabelle Villamarini... et il la loua beaucoup. ] J’en prends à témoin Paul Manuce, qui débite que cette dame, avant préféré l’étude des belles choses à toute autre occupation, se trouvait la plus savante de toutes les femmes, aussi-bien que la plus noble et la plus belle ; et que de là venait que plusieurs poëtes, et Capycius nommément, l’avaient choisie pour le principal objet de leurs éloges. C’est aussi ce qui fait croire à Manuce qu’en lui dédiant les poëmes de Capycius, il lui fe-

  1. Nella quarta finalmente deplora le miserie sue, e del suo secolo. Lor. Crasso, Elog., tom. II, pag. 178.
  2. Tiré de Lorenzo Crasso, là même.