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CALLISTRATE.

toutefois je lui cède pour ce coup, il faut que le bien public l’emporte[a].

  1. Idem, in Vitâ Demosth., pag. 851, 852. Je me sers de la version d’Amyot.

(A) Quelques-uns disent que, lorsque Démosthène s’attacha à Callistrate, … il quitta la philosophie pour s’attacher à la rhétorique.] Hermippus le contait ainsi, et il disait même que le hasard avait été cause que Démosthène entendit ce beau discours de Callistrate : car, en allant à l’Académie où Platon faisait ses leçons, il aperçut un concours extrême de peuple et en demanda le sujet ; et, ayant su qu’on allait entendre un grand orateur, il eut envie de voir si l’éloquence de cet homme était digne d’un si grand empressement. H fut si charmé de la harangue, que dès lors il s’attacha à Callistrate, et renonça à l’Académie et à Platon[1]. Ita motus et demulctus et captus est, ut Callistratum jam indè sectari cœperit, Academiam cum Platone reliquerit[2]. Henri Étienne a corrigé quelques paroles dans le chapitre où Aulu-Gelle raconte cela. Il a cru même que le Callistrato rhetore, qui est au titre de ce chapitre, est une faute, puisque Callistrate, qualifié orateur et démagogue dans le chapitre, n’a point dû être appelé rhétoricien dans le sommaire[3]. Je crois pourtant qu’Aulu-Gelle le considérait comme un homme qui enseignait la rhétorique, et qui l’enseigna effectivement à Démosthène ; mais je crois aussi qu’il se trompe. Cependant je ne voudrais rien changer dans le sommaire, puisqu’il doit répondre au contenu du chapitre.

(B) Il dit … une chose … qui a servi d’occasion à Sénèque pour débiter de bonnes maximes.] On va voir en latin, et puis en français selon la version de Chalvet, les paroles de ce philosophe. Callistratum aiunt, ita certè Hecaton auctor est, cùm in exilium iret, in quod multos simul cum illo seditiosa civitas et intemperanter libera expulerat, optante quodam, ut Atheniensibus necessitas restituendi exsules esset, abominatum talem reditum. Rutilius noster animosiùs : cum quidam illum consolaretur, et diceret instare arma civilia ; brevi futurum, ut omnes exsules reverterentur : Quid tibi, inquit, mali feci, ut mihi pejorem reditum, quàm exitum optares ? Malo, ut patria exilio meo erubescat, quàm reditu mœreat. Non est istud exilium, cujus neminem non magis, quàm damnatum, pudet. Quemadmodùm illi servaverunt bonorum civium officium, qui reddi sibi penates suos noluerunt clade communi, quia satius erat duos iniquo malo affici, quàm omnes publico : ita non servat grati hominis affectum, qui benè de se merentem difficultatibus vult opprimi, quas ipse submoveat : qui etiamsi benè cogitat, malè precatur. Ne in patrocinium quidem, nedum in gloriam est, incendium exstinxisse quod feceris[4]. C’est-à-dire, « On dit que Callistratus (c’est Hécaton qui en est l’auteur), s’en allant en exil avec plusieurs autres bannis, que la cité d’Athènes (pleine lors de séditions, usant outrageusement de sa liberté avait chassés dehors, et souhaitant quelqu’un d’entre eux, que les Athéniens se vissent bientôt réduits à telle nécessité qu’ils fussent contraints de rappeler les bannis, eut grande horreur de ce souhait. Notre Rutilius parla encore plus vertueusement, et en homme de plus grand cœur. Car, comme quelqu’un en le consolant l’assurait qu’on reviendrait bientôt aux guerres civiles, et qu’avant peu de jours les bannis retourneraient dans Rome : Quel déplaisir t’ai-je fait, quelle occasion t’ai-je donnée (dit-il de me souhaiter un plus mauvais retour que n’a été ma sortie ? J’aime beaucoup mieux que ma patrie rougisse de honte de m’avoir injustement banni, que si elle pleurait par l’occasion de mon retour. Ce n’est point un exil, quand il ne se trouve aucun qui n’ait plus de honte, que le condamné même. Tout ainsi donc que Callistratus et Rutilius ont fait comme bons vi-

  1. Tiré d’Aulu-Gell., liv. III, chap. XIII.
  2. Aulus Gellius, lib. III, cap. XIII.
  3. Henr. Stephan. Specim Emendat, in Aul. Gell., pag. m. 193, 194.
  4. Seneca, de Beneficiis, lib. VI, cap. XXXVII, pag. m. 134.