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CALLISTRATE.

qu’Alcméon avait deux fils de Callirhoë, lorsque cette femme l’obligea d’aller chercher malgré lui le collier qu’elle souhaitait.

(C) Elle pria Jupiter que les enfans qu’elle avait eus d’Alcméon devinssent en un moment hommes faits.] Ovide parle de cela d’une manière qui mérite d’être rapportée. Il caractérise heureusement l’action d’Alcméon et le reste.

.......... Ullusque parente parentem
Natus, erit facto pius et sceleratus eodem :
Attonitusque malis, exul mentisque domùsque,
Vultibus Eumenidum, matrisque agitabitur umbris :
Donec eum conjux fatale poposcerit aurum,
Cognatumque latus Phegeius hauserit ensis.
Tum demum magno petet hoc Acheloia supplex
Ab Jove Callirhoë, natis infantibus annos
Addat, neve necem sinat esse ultoris inultam.
Jupiter his motus privignœ dona[1] nurùsque
Prœcipiet, facietque viros impubibus annis[2].

M. Moréri débite[3] que ce fut Acheloüs qui obtint de Jupiter, que les enfans d’Alcméon passassent subitement de l’enfance à l’âge d’homme. C’est affadir cette histoire, et la falsifier en même temps. Il produit contre lui-même la preuve de son erreur ; car il rapporte ces vers d’Ovide. Charles Étienne, Lloyd et Hofman, débitent que Jupiter convertit en dieux les fils d’Alcméon, dès qu’ils furent nés. Je ne pense pas qu’ils aient trouvé cela dans les anciens.

(C) Ils trouvèrent sur leur route les assassins d’Alcméon.] Pourquoi donc fallait-il que Charles Étienne nous vînt débiter un mensonge, qui devait sauter de dictionnaire en dictionnaire pendant si long-temps ? C’est que les fils de Phegeüs, en faisant mourir Alcméon, furent tués sur-le-champ ; Qui tamen et ipsi ab eodem (Alcmeone) mutuis vulneribus petiti perierunt.

  1. Il entend Hébé (La Jeunesse), fille de Junon et femme d’Hercule.
  2. Ovid., Metam., lib. IX, vs. 408, etc.
  3. Dans l’article de Callirhoë.

CALLISTRATE, orateur athénien, s’acquit une grande réputation et beaucoup d’autorité dans sa patrie. Il fut cause que Démosthène, qui n’était encore qu’un petit écolier, se consacra entièrement à l’étude de l’éloquence ; car ayant plaidé avec un succès extraordinaire une cause d’apparat qui concernait la ville d’Orope, il excita un ardent désir dans l’âme de cet enfant de se pousser par la profession d’orateur. Démosthène admirant la force de l’éloquence, et la gloire qu’elle procurait à Callistrate, ne songea plus qu’à se signaler par la même route[a]. Quelques-uns disent qu’il était déjà disciple de Platon, et qu’il quitta la philosophie pour s’attacher à la rhétorique (A). Callistrate fut exilé ; ce qui était le sort ordinaire de ceux qui avaient le plus de part au gouvernement de la république des Athéniens. Il dit dans cette disgrâce une chose qui est bien digne d’être louée, et qui a servi d’occasion à Sénèque pour débiter de bonnes maximes (B). Il reprocha un jour aux Thébains le parricide d’Œdipus, et aux Argiens celui d’Orestes ; mais Épaminondas lui répondit gravement et subtilement, nous les avons chassés de nos villes, et vous les avez reçus dans la vôtre[b]. Melanopus, l’antagoniste de Callistrate dans la direction des affaires de la république, se laissait toujours gagner à lui par argent, et puis montait en chaire et disait au peuple : Il est vrai que Callistratus qui soutient l’opinion contraire est mon ennemi, mais

  1. Tiré de Plutarque, in Vitâ Demosthenis, pag. 847, 848.
  2. Plutarch., de gerendâ Republicâ, pag. 810.