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BUDÉ.

d’ailleurs de même avis que ce bon grammairien dont Garasse parle en la section 7 du liv. 3, qui estimait, que de disputer de questions importantes de théologie, était perte de temps mal employé. Voici comme il parle en une sienne épître à Érasme. Reddiderat epistolam juvenis, is quem mihi commendâsti, Sorbonæ nunc agentem μᾶλλον δὲ ἐν σερϐοντίδι λίμνῃ διατρίϐοντα, οὕτω γὰρ εἰκότως ἀποκαλοίημεν τὴν τῶν σοϕιςῶν διατριϐὴν. Si Garasse eût été informé de ce passage[1], je veux croire qu’il estime tant la Sorbonne, qu’il eût renvoyé Budé aux falots des Romains, aussi falotement qu’il relègue ce bon grammairien au pays des Lanternois, parmi les lanternes des Athéniens[2]. »

(O) Sa veuve alla faire profession ouverte du protestantisme à Genève, avec une partie de ses enfans. ] Le passage des lettres de Mélanchthon, que je m’en vais rapporter, témoigne que l’exemple de cette femme fut d’un grand poids ; parce qu’on crut que les beaux discours de son mari l’avaient fort aidée à connaître la vérité. Venit huc quispiam ex Galliâ nobilis vir ac doctus, qui narrat honestissimam matronam viduam Budæi, unà cum filiabus Lutetiâ migrâsse ad Calvini ecclesiam, ut ibi et vocem Evangelii audiat, et longiùs absit à sævitiâ quæ in regno Gallica adversùs Evangelii studiosos exercetur. Hoc exemplo matronæ valdè moveri multos homines in Galliâ idem affirmat ; proptereà quod mortui mariti sui doctissimi et gravissimi viri judicio existimatur hanc doctrinam amplecti, de quâ ipsum multa piè disseruisse ante mortem constat[3]. Dans une lettre de Mélanchthon à Camérarius, datée du 11 Septembre 1539, se trouvent ces paroles, page 908 de l’édition de Londres 1642. Hæc narratio si vera est, admirationem magnam res pariet. Budæi conjugem anum cum filiabus ajunt migrâsse Genevam ad Calvini ecclesiam, in quâ et alii multi nobiles homines in Galliâ exulare dicuntur. Les filles du grand Budé ne furent pas les seules de la famille qui se retirèrent à Genève : Louis Budé, leur frère, s’y retira aussi, et y fut professeur en langue hébraïque. Il publia une traduction latine des psaumes, avec des notes. Voyez la Gallia orientalis de Colomiés, pages 15 et 16. Nous avons parlé ci-dessus[4] de Jean Budé[* 1], qui fut l’un des trois députés qu’on envoya en Allemagne, pour les affaires de l’église. Matthieu Budé, leur frère, est loué par Henri Étienne, comme un homme qui entendait à fond la langue hébraïque[5]. Les descendans de Budé subsistent encore à Genève, et y font une figure très-considérable.

(P) Dans ses écrits, il paraît fort contraire aux réformateurs. ] Voyez l’ouvrage qu’il intitula de Transitu Hellenismi ad Christianismum, et qu’il dédia à François Ier. l’an 1535, peu après que Calvin eut dédié à ce monarque son Institution chrétienne. Budé lui recommande l’ancienne foi, et le loue de la fameuse procession qui fut faite pour expier l’attentat des hérétiques[6] (c’est ainsi que l’on parlait). M. de Launoi cite ce passage[7], et y en ajoute un autre, qui fait voir le zèle de notre Budé contre ceux qu’on appelait novateurs.

(Q) On dit qu’il ne se voulut jamais laisser peindre. ] Je ne puis donner

  1. (*) Le Citadin de Genève, qui le qualifie sieur de Vérace (pag. 43), remarque qu’il avait été disciple de Duaren ; et ce livre, imprimé en 1609, parle aussi d’une sœur de Jean Budé, matrone de quatre-vingts ans, laquelle vivait encore en ce temps-là. Du reste, un Guillaume Budé, aussi sieur de Vérace, et petit-fils du grand Budé ; car c’est en ce sens-là, et non pas en celui de neveu, comme a fait Videl (Histoire du connétable de Lesdiguières, liv. IV, chap. IV), qu’il faut prendre le Guilielmi nepos, de M. de Thou (liv. CII) : ce Guillaume Budé, dis-je, lieutenant des gens-d’armes de Briquemaut, commandait les coureurs à la bataille de Pontcharra. Rem. crit.
  1. Launoi, pag. 877, montre que ce passage ne fait rien contre la catholicité de Budé.
  2. Ogier, Jugement et Censure du livre de la Doctrine curieuse, pag. 190, 191.
  3. Melanchth., Epistol., pag. 585, edit. Basil. 1565, apud Colomesium, in Galliâ orient., pag. 16.
  4. Dans la remarque (G) de l’article de Bèze.
  5. Henr. Stephan., in Præfat. Dicæarchi apud Colomesium in Galliâ orient., pag. 257.
  6. Voyez le Luthéranisme de Maimbourg, tom. I, pag. 233, édition de Hollande.
  7. Hist. Gymnasii Navarræ, pag. 878 seq.