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BUDÉ.

bien dans le cabinet que dans le lit, et lui cherchait les passages et les livres nécessaires[* 1]. Je ne traduis pas littéralement : on s’en apercevra bientôt ; mais je ne pense pas m’écarter de la pensée de mon auteur. Nec Budæum à litteris uxor avocavit, sed magis in iis confirmavit, quam sibi in Musarum sacrario semper assidentem, et aliquid librorum in manibus habentem, non tantùm vitæ, sed studiorum quoque sociam et commilitonem nominabat : nec eumdem magnus liberorum nepotumque numerus in studiis interpellavit, qui quidem dicitur fuisse tantus, ut antequàm moreretur, noctu suum funus efferri, tumularique mandaret, ut aliquo modo compesceret fletum ejulatumque puerorum, quem futurum non obscurè providebat[1]. J’ai lu une lettre de Budé[2], où il se contente de dire que les caresses de sa femme n’avaient pas été capables de le détacher de ses livres : il ne dit point qu’il trouvât en elle une aide semblable à lui par rapport à ses études. Il se représente comme marié à deux femmes ; l’une était celle qui lui donnait fils et filles ; l’autre était la philologie, qui lui produisait des livres. Il était marié depuis douze ans, lorsqu’il écrivait cette lettre, et il avait déjà six fils et une fille[3]. La philologie avait été moins féconde. Budé avait produit moins de livres que d’enfans, il avait plus travaillé du corps que de l’âme ; mais il espérait qu’enfin il ferait plus de livres que d’enfans. « La fécondité de l’âme aura son tour, disait-il ; elle s’élèvera sur les ruines de celle du corps : la vertu prolifique n’est point donnée tout à la fois aux organes naturels et à la plume. » Sic enim statuebam mihi esse faciendum, ut conjugem quidem legitimam haberem liberorum parentem, ex philologiâ autem libros, id est, nominis mei æternam memoriam, prolemque immortalem gignerem. Liberos jam plures aliquanto quàm libros genui, plus corpori fortasse quàm animo indulgens. Posthac (ut spero) marcescente corpore, animus in dies vegetior et vividior fiet : utrumque autem simul ex æquo prolificum esse nequit, sed cùm emeritæ facultates corporis esse cœperint, tum demùm viribus animi stipendia plenè procedent[4]. Nous parlerons ci-dessous[5] du changement de religion de cette famille.

(M) La date de sa mort a été falsifiée par quantité d’écrivains. ] La Croix du Maine le fait mourir le 25 d’août 1540, M. de Sponde le 20 d’août[6], et Pierre de Saint-Romuald le 3 d’août de la même année[7] ; le père Garasse en 1539[8], M. de Launoi le 1er. septembre 1573[9]. La vérité est qu’il mourut le 23 d’août 1540[* 2]. Celui qui a cru pouvoir corriger Reusnerus par M. de Launoi, se trompe : Launoius.... dicit Budæum abiisse A. 1573, calend. septembr., ut falli necesse sit Nicolaum Reusnerum, qui in Iconibus ejus obitum refert. ad. A. 1540[10].

(N) La manière dont il voulut être enterré a produit quelques soupçons contre sa créance. ] Il déclara par son testament, un an avant qu’il mourût, qu’il voulait être enterré sans aucune cérémonie. Voici ses paroles : Je veux estre porté en terre de nuit, et sans semonce, à une torche ou à

  1. * Loin de là, dit Leclerc, Budé écrivait à Th. Morus le 9 septembre 1518, que sa femme était jalouse de son amour pour l’étude ; et une lettre à L. Vivès du 2 février 1519, dont Leclerc cite aussi un passage, est une nouvelle déposition de Budé contraire et préférable au témoignage de l’anonyme cité par Bayle.
  2. * La Monnoie, qui a compté jusqu’à neuf opinions différentes sur la mort de Budé, rapporte dans ses notes sur La Croix du Maine que Bayle a suivi ce qu’on lit dans la première édition de la Vie de Budé, publiée dès 1540. Dans cette première édition, publiée l’année même de la mort de Budé, on fixe cette mort au 23 août ; mais la Monnoie ajoute que dans l’édition de 1517 (il n’a pu parler que de l’édition posthume de 1577, et ce n’est probablement qu’une faute d’impression) le réviseur, mieux instruit, au lieu de X a mis VII des calendes de septembre, ce qui est le 26 août.
  1. Anonymus, in Dissertatione de Literati Matrimonio, pag. 367. Elle est imprimée avec les Amours de Baudius.
  2. Elle est la XXXe. du IIe livre parmi celles d’Érasme.
  3. Moréri se trompe donc, lorsqu’il dit que Budé eut quatre fils et deux filles.
  4. Epist. XXX Erasmi, lib. II, pag. 150.
  5. Dans la remarque (O).
  6. Spondan., ad ann. 1540, num. 10.
  7. Pierre de Saint-Romuald, Journal chronolog., tom. II, pag. 137.
  8. Garasse, Doctrine curieuse, pag. 920.
  9. Laun., Hist. Gymn. Navarræ, pag. 882.
  10. Joh. Albertus Faber, Decade Decad., folio V verso.