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BUDÉ.

voulu haranguer Charles-Quint il demeura court (R). Son style, tant latin que français, était un peu rude (S). Son père, comme je l’ai déjà dit, était d’une famille considérable depuis longtemps : néanmoins j’ai lu qu’elle a été anoblie à cause de notre Guillaume (T). Celui-ci s’étant piqué de quelque chose qu’Érasme avait faite ou dite, en garda toujours beaucoup de ressentiment, et ne voulut jamais lui faire la grâce de le citer, et le critiqua quelquefois sans le nommer (U). Il était bien difficile que l’émulation ne dégénérât en haine entre deux hommes de cette force[a]. Ceux qui ont dit que, nonobstant leurs brouilleries, Budé fit en sorte qu’Érasme fut appelé à Paris[b], n’y entendent rien ; car ces brouilleries étaient encore à naître, lorsque Budé, en s’acquittant de la commission qui lui fut donnée, de faire des offres à Érasme de la part de François Ier., lui conseilla de les accepter[c]. On fit une édition de toutes ses œuvres à Bâle, l’an 1557, en quatre volumes in-folio, avec une ample préface de Celius Secundus Curion.

On ne peut pas voir un plus bel éloge que celui qu’a fait Louis Vivès de notre Budé[d] ; car en peu de mots, il le représente comme un prodige de savoir, et il lui attribue les vertus morales les plus dignes de l’admiration de toute la terre. Je pense qu’on pourrait dire assez justement, que ce grand homme se fit plus craindre qu’aimer dans la république des lettres, et il ne me semble pas que ç’ait été une perfection, mais plutôt une forte marque qu’il était fier et mal endurant, et qu’il s’armait de toutes pièces contre ceux qui le critiquaient. Nous connaîtrions suffisamment qu’il s’était rendu très-redoutable[* 1], quand nous ne saurions que le chagrin qu’un professeur de Venise fit paraître, de ce qu’on avait fait prendre garde au public qu’il ne suivait pas le sentiment du docte Budé (X).

  1. * Leclerc pense que ce ne fut pas par terreur de Budé qu’agit le professeur de Venise ; mais par attachement et vénération, sentimens qu’il lui portait, ainsi que Bayle le dit textuellement dans la remarque (X).
  1. Voyez la remarque (U), à la fin.
  2. Duverdier, Prosopogr., pag. 2404.
  3. Epist. Erasmi XV, lib. I.
  4. Ludovic. Vives, in lib. II, cap. XVII, Augustini de Civitate Dei.

(A) Il est né à Paris, l’an 1467.... d’une famille illustre. ] Louis le Roy, le seul auteur que j’aie suivi[* 1], ne marque point l’année de la naissance ; mais puisqu’il dit que Budé mourut le 23 d’août 1540, à la soixante-treizième année de sa vie, il me donne droit de le faire naître l’an 1467. Le Dictionnaire de Moréri contient une faute très-grossière. On y met la naissance de Budé à l’an 1476[1], et sa mort au 26 août 1540, et on ne laisse pas de le faire vivre septante-trois ans.

Voyons ce qu’on trouve touchant sa généalogie dans un ouvrage du sieur Guichenon. Jean Budé, écuyer seigneur de Verace, qui se signala à la bataille de Pontcharra, où il était lieutenant de la compagnie de gendarmes du seigneur de Briquemaut en l’an 1591, ...... était issu de cette ancienne maison des Budés, seigneurs d’Ierre, de Villiers-sur-

  1. * Plusieurs particularités de la vie de Budé omises par L. le Roy sont, dit Leduchat, rapportées par Boivin le cadet dans les Mémoires de littérature, tirés des registres de l’académie des inscriptions et belles-lettres, tom. Ier., pag. 135 et suiv.
  1. Cette faute est originaire de l’imprimerie. La transposition d’un seul chiffre a changé 1467 en 1476.