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BALZAC.

prompt à répondre. Il avait donc cinquante-trois ans en 1648 ; il était donc né en 1595. Dans l’autre lettre, datée du 15 d’octobre 1637 [1], il parle d’un écrit qu’il avait fait à l’âge de dix-sept ans, et il dit qu’il y avait vingt-cinq ans entiers qu’il l’avait fait. Il avait donc quarante-deux ans lorsqu’il écrivait cette lettre ; et par conséquent il était né en 1595. Saint-Romuald met sa naissance à l’an 1598 ; car il en avait 38, dit-il, l’an 1626 [2], mais il a oublié de prouver cette raison [* 1]. Je ne dissimule point que j’ai trouvé un passage qui prouve que Balzac est né en 1596. Je le cite dans la remarque (B).

Au reste le petit écrit qu’il composa à l’âge de dix-sept ans vaut bien une digression. Il avoue qu’en le faisant, il fit une faute et une folie, et il s’en excuse le mieux qu’il peut sur sa jeunesse, et sur ce qu’il le composa en Hollande, sans dessein de le rendre public par l’impression [3]. Il trouve fort mauvais qu’Heinsius ait ressuscité cette faute. Je l’ai déjà dit [4], voilà un inconvénient à quoi les auteurs un peu célèbres sont fort sujets : il leur arrive quelque querelle de plume, qui est cause que leur antagoniste recherche avec soin les plus petites fautes de leur jeunesse, pour leur en faire reproche publiquement. Je ne n’étonne point que quelques-uns aient cru que Balzac, en ce temps-là, n’eût pas refusé de faire fortune dans la Hollande, sous la profession d’un huguenot. J’avais cru, avant que de lire l’écrit en question, que c’était un jugement téméraire ; mais j’ai changé de sentiment, depuis que M. Minutoli a eu la bonté de m’envoyer une copie de cette pièce [5]. Il en a un exemplaire imprimé, de l’édition qu’Heinsius fit faire à Leyde, l’an 1638. Le titre est, Discours politique sur l’État des Provinces Unies des Pays-Bas, par I. L. D. B., gentilhomme français. C’est une pièce volante de quatre ou cinq pages [* 2] : on y voit à la fin, par forme de signature, Jean-Louis de Balzac. L’ouvrage est très-beau, plein d’esprit et de pensées ; mais je suis bien assuré que Baudius, qui était en charge publique à Leyde, et aux gages de la Hollande, n’aurait pas décidé si fortement pour la justice avec laquelle les états dégradèrent Philippe II, et qu’il n’aurait pas cherché des louanges si raffinées pour la Hollande, ni des invectives si perçantes contre la domination espagnole, ni enfin des maximes si étudiées en faveur de la liberté de conscience. On est donc excusable de soupçonner que le gentilhomme français sondait peut-être le gué par cette feuille volante ; et que si la république, frappée d’admiration pour une si belle plume, et si bien intentionnée, avait offert une belle charge, l’auteur de dix-sept ans l’eût préférée à son pays, et à son catholicisme.

M. de Balzac fit son voyage de Hollande l’an 1612. Il le fit avec Théophile, auquel, si on en croit le père Goulu, il joua alors un mauvais tour [6], qui fut cause de la mauvaise intelligence qui était entre ce poëte et Balzac. La terrible lettre que Théophile fit imprimer contre ce compagnon de voyage, lui reproche deux ou trois aventures malplaisantes. Je ne parle point, lui dit-il, du pillage des auteurs, le gendre du docteur Baudius vous accuse d’une autre sorte de larcin.…… Je ne me repens pas d’avoir pris autre fois l’épée, pour vous venger du bâton.

(B) Il se crut en passe d’une fort grande fortune. ] Il y a du plaisir à l’entendre raconter lui-même les raisons de ses grandes espérances. Qu’on lise donc la seconde histoire qu’il débite dans ses Entretiens [* 3] ; c’est la

  1. * Saint-Romuald s’appuie sur un passage d’une lettre de Balzac, mais Leduchat prétend que dans cette lettre Balzac avait la prétention de se faire passer pour plus jeune qu’il n’était, croyant que par-là son savoir lui attirerait plus de respect.
  2. * Leclerc dit que cet écrit réimprimé dans le tome II des Œuvres de Balzac, in-folio, n’y remplit pas trois pages, ce qui n’empêcherait pas que l’édition originale en eût quatre ou cinq, comme dit Bayle.
  3. * Bayle, dit Joly, n’a pas connu les derniers Entretiens de M. Dumas avec M. de Bal-
  1. C’est la Xe. du IIIe. livre, à Chapelain.
  2. Saint-Romuald, Abrégé chron., à l’an 1598.
  3. Lettre X à Chapelain, liv. III.
  4. Voyez ci-dessus la fin de la remarque (C) de l’article de Balde.
  5. Il est fourni d’une infinité de semblables pièces rares, qu’il a eu toujours grand soin de ramasser et de garder.
  6. Lettres de Phyllarque, Ire. part., pag. 257.