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BOCCALIN.

culo disertissimus, condidit centum fabulas argumento et stylo lepidissimo festivissimoque, nier quas Apuleianam hanc inseruit, transposuitque commodissimè, non ut interpres, sed ut conditor ; quam fœminæ nostrates non surdis auribus audiunt, neque invitæ legunt. M. de la Fontaine a donné aussi ce conte, sous le titre du Cuvier [1] ; mais on n’a point averti qu’il l’ait tiré d’un autre auteur. Il marque quelquefois la source où il a puisé. Je n’étonne qu’il ne l’ait pas toujours fait.

  1. Au IIe. tome de ses Contes, pag. 190 de l’édition d’Amsterdam, en 1685, in-8°.

BOCCALIN (Trajan), natif de Rome, a été un fort bel esprit au commencement du XVIIe. siècle. Il aimait trop la raillerie et la médisance, et il prit un tour assez nouveau et assez plaisant, pour critiquer tout ce qu’il voulait. Ce fut de feindre qu’Apollon, tenant ses grands jours sur le Parnasse, écoutait les plaintes de tout le monde, et faisait droit selon l’exigence des cas. De là sortirent les Ragguagli di Parnasso, qui ont été traduits en diverses langues [a], et fort goûtés du public. Il tomba dans le défaut ordinaire de ceux qui se plaisent trop à la satire ; c’est qu’il voulait élever sa médisance jusque sur les trônes, et sur les têtes couronnées, et attaquer principalement celles qui faisaient alors le plus de bruit dans l’Europe. Il attaqua la cour d’Espagne ; et il le fit d’une manière d’autant plus piquante qu’il prétendait faire voir que la monarchie de ce nom n’était point aussi puissante qu’on s’imaginait, et qu’au contraire il était facile d’en saper la force par certains expédiens qu’il indiqua [b]. On a cru que ce fut la cause de sa mort. Les Espagnols se plaignent beaucoup de ses médisances (A). Voyez dans Moréri comment on le fit mourir. Cet homme, qui censurait toute la terre, et qui trouvait tant à redire au gouvernement, fit voir que sa théorie et sa pratique s’accordaient fort mal ensemble (B) ; car la juridiction qu’il exerça dans quelques lieux de l’état ecclésiastique ne fut nullement conforme aux règles. On s’allait plaindre éternellement de lui à Rome ; ce qui fit faire des réflexions bien malignes, tant contre les avocats et les médecins, que contre les théologiens (C). Ceux qui se sont contentés de dire qu’il méditait des discours politiques sur Tacite [c], lorsqu’il fut assassiné (D), n’étaient guère instruits des choses. Il laissa des enfans (E). On l’a mis au nombre des plagiaires (F), et l’on a fait des fautes sur ce chapitre, comme je l’ai montré dans l’une de mes remarques [d].

  1. J’ai vu une traduction française de la Ire. centurie imprimée à Paris, l’an 1615, in-8°. dont l’auteur s’appelle Fougasse.
  2. Nicius Erythræus, Pinacoth. III, pag. 293, en parlant du livre intitulé Pietra del paragone politico.
  3. Moréri est de ceux-là.
  4. Voyez la remarque (F), vers la fin.

(A) Les Espagnols se plaignent beaucoup de ses médisances. ] Écoutons ce que dit à ce sujet un de leurs auteurs. De nuestros tiempos ser notados por de genio critico y maldiciente, Francisco Berna, poeta, contra las de su nacion Italianos : Trajano Bocali, discursista paradoxo contra toda la nacion española. C’est ainsi que s’exprime Juan Vitrian, dans ses Notes sur Philippe de Comines [1].

(B) Sa théorie et sa pratique s’ac-

  1. Chap. I, lettre F, pag. 3.