Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T03.djvu/204

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
198
BAUDOUIN.

Ac ne fortè quæsitor reis datus, capitalibus sententiis provincialium suorum subscribere cogeretur[1]. Les mécontens du Pays-Bas se promirent bien des choses de ses conseils, puisqu’outre les principes que je viens de rapporter, il avait beaucoup d’adresse à manier les esprits, et beaucoup de science du monde : Ut in Belgium venit, magnum sui exspectationem omnibus fecit. Solers animo, obsequendi gratiâ, et civili congressu, nec minus officii comitate, ad ingenia principum vitam instruxerat. Nec enim novorum hominum deliramenta sectabatur, et rursùs in religione scrupulum oderat. Humaniusque credebat, iniquitati temporum cedere, pietatisque integritatem in paucis violare, quam vim adferre turbatis conscientiis, quas in contaminatis hominibus nulla unquàm supplicia eluunt[2]. L’auteur que je cite venait d’observer que Baudouin avait été fort connu de Louis de Nassau à Heidelberg. La troisième apologie de ce jurisconsulte nous apprend que le prince de Nassau, qu’il avait eu à Strasbourg pour auditeur, lui avait fait depuis peu beaucoup de caresses dans les Pays-Bas[3]. Ajoutons qu’il fut estimé de Guillaume, prince d’Orange. Francisco Balduino, jurisconsulto egregio, pacis ecclesiasticæ studioso, magni facto à principe Arausionensi Wilhelmo aliisque Belgarum proceribus qui et opera ejus usi sunt, cur credi non debeat, nihil causæ est[4]. C’est Grotius qui parle ainsi, et qui assure que ce prince et les autres grands seigneurs du Pays-Bas se servirent de Baudouin. Ce fut dans leurs premières démarches contre l’Espagne. Il se trouva à leurs premières assemblées de Breda, et ils lui firent dresser l’écrit par lequel ils demandaient à la duchesse de Parme le libre exercice de la religion. Il montre qu’une religion ne peut subsister sans l’exercice extérieur, et qu’elle demande cela comme un appui et un aliment nécessaire[5]. L’auteur qui m’apprend cela, observe que Baudouin avait été rappelé de son exil par l’archevêque d’Arras. Ab exilio per archiepiscopum Atrebatensem (il fallait dire, episcopum Atrebatensem) revocatus[6]. Afin d’entendre cela, il faut savoir que, se voyant déféré comme hérétique, il sortit de sa patrie, et qu’après sa fuite on prononça contre lui une sentence de proscription[7]. Elle fut révoquée lorsqu’on le fit venir pour le consulter sur l’état du Pays-Bas. Notez que l’auteur qui parle de l’archevêque d’Arras ne rapporte point le fait comme il faut : la Chronique de Jean-François le Petit, à laquelle il nous renvoie, nous en dira mieux les circonstances : « François Bauduin....., ayant auparavant été banni de la ville d’Arras pour la religion, fut mandé par ledit seigneur prince d’Orange, de France, pour l’ouïr sur les difficultés qui s’y représentaient ; lequel, après son ban révoqué par la chambre d’Arthois, à l’instance de l’archevêque de Cambrai, s’en alla trouver ledit seigneur prince en la ville de Brusselles, où, ayant communiqué avec lui et avec les seigneurs ci-dessus, il dressa un discours en forme d’avis sur le fait du trouble apparent pour le fait de la religion, lequel fut envoyé au roi en Espagne, adressé en ses mains propres, auquel est montré le vrai moyen qu’il faudrait tenir pour obvier à toutes émotions, et pour extirper les sectes et hérésies[8]. » On trouve ce discours-là tout entier dans la chronique de Jean-François le Petit. Il est beau et fort sensé. Baudouin, à ce que dit ce chroniqueur, atteignit quant au remède des troubles le vrai neud de la besogne, que le roi et son conseil ont depuis peu avoir cognu estre véritable.

Notons en passant que les écrivains qui parlent de lui disent à tort que

  1. Papyr. Masso, Elogior. part. II, pag. 259.
  2. Nicol. Burgund., Hist. belg., lib. II, pag. 67.
  3. Balduinus, in Respons. ad Calvin. et Bezam, folio 88 verso. Elle fut imprimée l’an 1564.
  4. Grotius, in Rivetiani Apologetici Discussione, pag. 23.
  5. Joh. Grevius, Epist. ad Bernhardum Brantium. C’est la CCCLXXVIe. des Epistolæ ecclesiast. et theologicæ, édit. d’Amsterdam en 1684. Il cite Jean Petit, tom. I.
  6. Idem, ibidem.
  7. Voyez Nicolas Burgund., Hist. belg., lib. II, pag. 66.
  8. Jean-François le Petit, greffier de Bethune en Artois, dans sa Grande Chronique du Pays-Bas, tom. II, pag. 75, édit. de Dordrecht, en 1601.