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BAUDOUIN.

de leçons, quoiqu’on l’en sollicitât. Il retourna à Paris, et prêta l’oreille à Philippe de Hurault[a], qui lui conseilla de faire fleurir la jurisprudence dans l’académie d’Angers. Il le fit près de quatre ans, et jusqu’à ce que le duc d’Anjou, proclamé roi de Pologne, le fit venir à Paris, au temps que l’on y reçut l’ambassade polonaise[b] (E). Il fut destiné à la profession en jurisprudence dans l’académie de Cracovie[c] ; et l’on croit qu’il aurait suivi en ce pays-là le nouveau roi, si la mort ne l’eût prévenu. Il mourut entre les bras de sa fille unique (F), dans le collége d’Arras à Paris, le 24 d’octobre 1573[d] (G). Voilà à quoi se réduit ce que Papyre Masson, Valère André, Aubert le Mire, Bullart, et Plusieurs autres racontent de lui. C’est une chose bien étrange, qu’ils aient si hardiment supprimé tout ce qui concerne ses changemens de religion[e]. À peine peut-on recueillir de leur narré qu’il ait vécu une fois dans la communion protestante. M. Moréri, ou par ignorance, ou par dissimulation, a omis ces mêmes fautes. En récompense, il s’est étendu sur la querelle de Calvin et de Baudouin. Elle fut très-rude (H) : Bèze y entra avec un peu trop d’aigreur, au jugement même de plusieurs personnes de son parti (I). On ne saurait nier qu’il n’y eût beaucoup d’inconstance, et beaucoup de bizarrerie dans la tête de Baudouin. Il était, à l’égard des académies, ce que sont en fait de maîtresses certaines gens, qui courent de belle en belle, et les mers d’amour de rivage en rivage. Il y a bien de l’apparence que lorsqu’il vivait à Bourges dans la communion romaine, il avait plus d’affection pour les protestans, que lorsqu’il communiait avec eux dans Heidelberg. On peut soupçonner aussi qu’il n’était content, ni du papisme, ni du calvinisme, ni du luthéranisme, et qu’il eût voulu les refondre, et peut-être bien d’autres sectes ensemble, pour en faire une nouvelle. Ce qu’il y a de certain est qu’il se mêla de la réunion des religions[f]. On ne peut nier d’autre côté qu’il n’eût de fort beaux talens, une science très-étendue, une mémoire admirable[g], et une éloquence d’autant plus persuasive qu’il était bien fait de sa personne[h], et que sa voix avait de la force et des agrémens[i]. Ne croyons donc pas qu’il y ait de l’hyperbole dans ce qu’on a dit de son auditoire (K). Il mangeait et buvait peu, et il travaillait beaucoup[j]. Il n’approuvait point le supplice des hérétiques[k], et il fit de grands reproches à Calvin à l’occasion de Servet[l].

  1. Chancelier du duc d’Anjou.
  2. Tiré de Papyre Masson, Elog., part. II, pag. 258 et seqq.
  3. Thuan., Historiæ, lib. LVII, p. 47.
  4. Papyr. Masso, Elog., part. II, p. 261.
  5. Voyez la remarque (A).
  6. Voyez les remarques (C), (D) et (M).
  7. Papyr. Masso, Elogior. part. II, pag. 261.
  8. Staturâ fuit justâ, formâ eximiâ, et per omnes ætatis gradus venustâ. Idem, ibidem.
  9. Vocem canoram, firmissima latera, ut docens, Periclis instar, fulminare videretur. Masso, Elogior. parte II, pag. 261.
  10. Vini cibique parcissimus.... nunquàm otiosus. Idem, ibid.
  11. Voyez la remarque (D).
  12. Voyez sa IIe. Apologie contre Calvin.