Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T02.djvu/611

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
601
AZOTE.

Il ne paraît pas que les Juifs aient subjugué cette place avant le règne d’Hosias roi de Juda[a] (A). Elle leur fut prise par Tartan, général d’armée de Sargon roi d’Assyrie, comme nous l’apprend Ésaïe[b], qui vivait en ce temps-là. Elle fut assiégée quelque temps après par Psammitichus roi d’Égypte, et ce fut un des plus longs siéges dont on ait jamais ouï parler ; car on fut vingt-neuf ans devant cette place, avant que de la prendre[c]. Il est apparent qu’elle fut ruinée par les Égyptiens, vu que le prophète Jérémie n’en parle que comme d’un reste de ville[d]. Elle était considérable lors de la guerre des Machabées : ce ne fut pas le moindre exploit de Jonathan, que la prise de cette ville. Les ennemis qu’il avait battus s’y retirèrent, et s’enfermèrent au temple de Dagon. Il y fit mettre le feu, de sorte qu’ils y périrent dans les mêmes flammes qui consumèrent le temple et la ville[e]. Nous lisons dans les Actes des apôtres que saint Philippe ayant baptisé l’eunuque de la reine Candace, fut ravi par l’esprit du Seigneur, et se retrouva à Azote (B). Les auteurs profanes ont parlé de ce lieu-là comme de la ville marchande des Arabes[f] : et il faut bien que ses habitans fissent figure, puisque Strabon les a mis dans la liste des quatre peuples qui étaient mêlés avec les Célosyriens, et avec les Phéniciens, les deux principales nations, selon lui, qui occupassent la Syrie[g]. Étienne de Bysance prétend que le fondateur d’Azote était un de ces fugitifs qui de la mer Rouge se transportèrent en Palestine, et qu’il donna le nom de sa femme à la ville qu’il bâtit. Ce nom signifiait une chèvre. M. Bochart a rejeté tout cela[h]. Saint Jérôme dit que de son temps Azote était encore une ville considérable (C).

  1. IIe. livre des Chroniq., chap. XXVI, vs. 6.
  2. Chap. XX, vs. 1.
  3. Herodot., lib. II, cap. CLVII.
  4. Jérém., chap. XXV, vs. 20.
  5. Ier. livre des Machab., chap. X, vs. 83 et suivans.
  6. Pomp. Mela, lib. I, cap. X.
  7. Strabo, lib. XVI, pag. 515. Voyez aussi pag. 522.
  8. Bochart., Geograph. sacra, lib. II, cap. XII.

(A) Il ne paraît pas que les Juifs l’aient subjugée avant le règne d’Hosias. ] Cherchez tant qu’il vous plaira dans les chapitres XI et XV du livre de Josué, où M. Moréri nous renvoie, vous n’y trouverez pas que Josué ait conquis la ville d’Azote, Il n’est pas plus vrai que ceux de la tribu de Juda l’aient conquise au temps des juges : l’auteur qui le dit, et qui cite le Ier. chapitre du livre des Juges[1], n’a pas raison de le faire. Ce qui a trompé, ou M. Moréri, ou l’auteur qu’il a suivi, est qu’au chapitre XV de Josué, l’on voit cette ville dans le partage de la tribu de Juda. Mais il fallait prendre garde que l’on mettait dans ces partages ce qui était déjà subjugué, et ce qui le serait un jour. Il paraît manifestement par le IIIe. chapitre des Juges, que les cinq gouvernemens des Philistins, et Azote par conséquent, ne furent point subjugués par Josué, Dieu lui-même, lorsqu’il représente que ce conquérant était trop vieux pour achever cette guerre, met entre les pays qui restaient à subjuguer, ces mêmes cinq gouvernemens[2]. Cela nous indique une autre faute de Moréri. Josué, dit-il, la soumit premièrement aux Hébreux, vers l’an 2586 du monde, et elle fut depuis une des cinq satrapies des Phi-

  1. Christoph. Heidmannus, in Palæstinâ, pag. 90.
  2. Josué, XIII, vs. 3.