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AZOTE.

vrit la ruse, et ne voulut point y aller, et feignit d’être malade. La cour, offensée de cette conduite, le fit retirer à Consuégra[1]. Il ne s’oublia point dans cette retraite, et il ménagea si bien les dispositions des esprits à qui la faveur du père Nidhard était odieuse, qu’enfin ce jésuite fut obligé de céder. Il sortit d’Espagne pour aller à Rome, et depuis ce temps-là les affaires de don Juan allèrent mieux, jusqu’à ce qu’enfin il fut rappelé à la cour[2], et qu’il y eut la direction principale du gouvernement. Il mourut le 17 de septembre 1679, après une maladie de vingt-trois jours[3]. Il y eut des gens qui dirent qu’on l’avait empoisonné : Vi sono persone, che assicurano che fosse un colpo uscito dalla mano della Reg. Mad. e del cardinal Nitardi, coll’ assistenza de’ suoi partigiani[4]. D’autres ont dit qu’il conçut tant de chagrin du mariage du roi avec la fille de M. le duc d’Orléans, qu’il en mourut ; et néanmoins, selon l’opinion publique, il avait été le principal promoteur de ce mariage[5]. Je me souviens d’avoir lu dans quelque gazette de l’an 1678, que le marquis d’Agropoli, soupçonné d’avoir fait une comédie contre don Juan, fut relégué à Oran.

(K)..... fils de Philippe IV et d’une comédienne. ] Tout le monde sait que Philippe IV fut fort adonné à l’amour des femmes. Il fit paraître de très-bonne heure cette inclination, et il eut un gouverneur, qui, bien loin de le soutenir dans un chemin si glissant, contribua à sa chute. C’était le comte d’Olivarez : il était sujet lui aussi à cette passion ; et tant à cause de cela, que pour s’assurer davantage de l’administration des affaires, il fomenta le tempérament impur de son jeune prince. Il espéra que sous le règne de son élève, il aurait les plus grandes charges de l’état, et il prévit bien qu’il les pourrait exercer avec beaucoup plus d’autorité, si le monarque menait une vie voluptueuse et efféminée ; et que d’ailleurs ses propres débauches auraient un plus libre cours sous un maître qu’il ne ferait qu’imiter. Ce manège lui réussit. Philippe IV, âgé de seize ans, monta sur le trône en 1627, et laissa le soin des affaires au comte-duc d’Olivarez, qui n’oublia rien pour faire durer l’oisiveté de ce monarque. Il inventa de nouveaux plaisirs, il fit venir à Madrid la plus excellente troupe de comédiens qui se pût former en Espagne. Elle joua devant le roi, l’an 1627. Il s’y trouva une comédienne qui s’appelait la Calderona, qui lui plut beaucoup. Elle n’était pas fort belle, mais elle avait des gentillesses et des agrémens incomparables, et une voix charmante. Le roi ne l’eut pas plus tôt vue sur le théâtre, qu’il en fut épris, et il ordonna qu’on la fit venir dans sa chambre : il ne voulait, disait-il, que l’entendre parler de plus près. Aussitôt que le comte-duc eut appris cette nouvelle, il ménagea l’entrevue, et fit introduire de nuit la comédienne dans la chambre de sa majesté. Elle n’en partit que le lendemain, et laissa le prince si amoureux d’elle, qu’il la déclara sa favorite. Elle n’était âgée que de seize ans. Depuis ce temps-là, les entrevues furent fréquentes, elle devint grosse, et accoucha de notre don Juan. Mais, après les couches, elle rompit ce commerce[6], et s’enferma dans un couvent, et y prit l’habit de religieuse, avec la bénédiction du nonce du pape[7].

  1. Là même, pag. 288.
  2. Sur la fin de l’an 1676.
  3. Vita di don Giov. d’Austria, pag. 628.
  4. Là même, pag. 629.
  5. Voyez les Nouvelles de la République des Lettres, juillet 1686, pag. 827.
  6. Non volle poi la Calderona accopiarci più col rè. Vita di don Giovanni d’Austria, pag. 5.
  7. Jean-Baptiste Pamphile, qui depuis fut le pape Innocent X. Tiré de la Vita di don Giovanni d’Austria, pag. 2 et suivantes.

AZOTE, en latin Azotus, ville de la Palestine, proche de la mer, l’une des cinq satrapies des Philistins[a]. C’était là qu’ils gardaient la principale de leurs idoles, qu’ils nommaient Dagon, laquelle tomba et se brisa devant l’arche, qu’ils avaient prise sur les Juifs, et qu’ils avaient mise dans le temple de cette idole[b].

  1. Josué, chap. XIII, vs. 3, où la version de Genève la nomme Asçdod.
  2. Ier. livre de Samuel, chap. V.