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AURÉOLUS.

lus avait employées, et qui lui avaient servi de principe pour tirer des conséquences odieuses, n’avaient pas toujours leur unique fondement sur les ténèbres de l’esprit, mais que la passion du cœur y avait eu part. Je ne sais cela que par le père Baron, qui s’est exprimé ainsi : Memini me Capreolum nescio quo ex quæstionibus in primum sentent. loco legere, soluto quodam argumento Aureoli quo ad grande aliquod impium et absurdum ex falsâ interpretatione nostræ sententiæ rem deduxerat, hæc modestè adjunxisse Capreolum, ex nostrâ responsione patet hanc objectionem Aureoli profectam esse ex perverso intellectu quidquid sit de affectu [1]. Notez que Constantius Sarnanus, religieux franciscain et cardinal, composa un livre où il prétendit concilier les opinions d’Auréolus avec celles de Capréolus [2]. Il tâcha de faire voir le même accord entre les dogmes de Thomas d’Aquin et ceux de Scot [3]. C’est ainsi que l’on a tâché de faire voir une bonne intelligence entre Platon et Aristote. C’est se jouer des lecteurs, ou tourner réellement en ridicule, sans avoir dessein de le faire, ceux qu’on tâche de reconcilier. Une telle paix est honteuse aux partis, et l’on aurait à craindre de cruels reproches, quand on fait l’office de médiateur, si les chefs de la querelle revenaient au monde. Quoi, diraient-ils, vous prétendez qu’il n’y a ici qu’une dispute de mots, et que nous convenons des mêmes dogmes sans nous en apercevoir, tant la passion nous préoccupe, et nous empêche de savoir ce que nous disons ? C’est une satire dans toutes les formes : nous ne voulons point de paix à des conditions si flétrissantes. Retirez-vous avec vos projets de réunion : nous aimons mieux que la guerre continue, que de la voir terminée à la honte de notre esprit et de notre science. Notez qu’il y a des occasions où les controverses les plus échauffées ne sont qu’un malentendu ; mais je ne crois pas qu’il faille juger ainsi du thomisme et du scotisme, ni par conséquent de la différence qu’il y a entre le scotiste Auréolus, et le thomiste Capréolus.

(E) Je dirai quelque chose touchant ses écrits. ] L’exactitude de ceux qui en ont parlé est si petite, qu’ils n’ont observé nulle distinction, ni entre les écrits qui nous restent et les écrits qui se sont perdus, ni entre les ouvrages qui ont été imprimés et les ouvrages qui ne l’ont jamais été. Le père Labbe [4], qui se plaint de cette négligence, trop ordinaire aux bibliographes, promettait de la réparer amplement ; mais il est mort sans donner le gros volume dont la dissertation que je cite n’était que l’avant-coureur [5]. Il marque que Breviarium Bibliorum d’Auréolus, sive epitome universæ Sacræ Scripturæ juxta litteralem sensum, fut imprimé à Venise l’an 1571, et à Paris l’an 1585 [6], par les soins d’Étienne Nouellet, docteur en théologie de la faculté de Paris, et que les Commentaires sur les quatre livres des Sentences furent imprimés à Rome, in-folio, l’an 1595, et dédiés au pape Clément VIII, par le cardinal Constantius Sarnanus [7]. Il rejette ce que le père Maracci débite dans sa Bibliotheca mariana, que le traité d’Auréolus de Conceptione immaculatâ B. Virginis fut imprimé à Toulouse l’an 1314 : il dit que peut-être cet écrit fut composé cette année-là, ou imprimé l’an 1514.

Faisons de petites notes sur tout cela. 1°. Le catalogue de la bibliothéque d’Oxford fait mention de l’Epitome totius S. Scripturæ, imprimé à Strasbourg l’an 1514. Gesner l’ignorait aussi : l’Epitome de Gesner, publié l’an 1583, ne marque aucun livre d’Auréolus qui eût été imprimé ; et notez que l’on y distingue très-faussement de Petrus de Verberiâ, dictus Aureoli, notre Pierre Auréolus. 2°. Il n’est pas vrai que les Commentaires sur les quatre livres des Sentences aient été imprimés à Rome l’an 1595. Bellarmin assure qu’il n’a vu que le Commentaire sur le premier de ces quatre livres, et que

  1. Vincent Baron. Apologet., lib. I, sect. II, pag. 240.
  2. Oldoini, Athen. roman., pag. 176.
  3. Idem, ibidem.
  4. Labbe, de Script. ecclesiast., tom. II, pag. 184.
  5. La préface de sa Dissertation de Scriptorib. ecclesiast.
  6. Oldoini, dans son Athenæum romanum, pag. 532, met l’an 1581.
  7. Oldoïni dit la même chose, pag. 533 de son Athenæum romanum.