Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T02.djvu/581

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
571
AURÉLIEN.

communi totius exercitùs confessione, debetur, ut digna illi vix aliqua vel nimis magna sunt munera. Quid enim in illo non clarum ? quid non Corvinis et Scipionibus conferendum ? Ille liberator Illyrici, ille Galliarum restitutor, ille dux magni totius exempli. Et tamen nihil prætereà possum addere tanto viro ad muneris gratiam quam patitur sobria et benè gerenda respub. Quarè sinceritas tua, mi parens charissime, supra dicto viro efficiet, quandiù Romæ fuerit, panes militares mundos sedecim, etc. [1]. Voilà ce que Valérien écrivit au préfet de Rome, et voici ce qu’il écrivit à Aurélien. Ego de te tantùm, Deo favente, spero quantùm de Trajano, si viveret, posset sperare respub. Neque enim minor est [2], in cujus locum fidemque te legi. Consulatum cum eodem Ulpio Crinito in annum sequentem à die undecimo calend. juniarum, in locum Gallieni et Valeriani, sperare te convenit sumptu publico. Voici encore le discours que Valérien lui tint en présence de l’armée et de la cour. Gratias tibi agit, Aureliane, resp. quòd eam Gotthorum potestate liberâsti. Abundamus per te prædâ, abundamus gloriâ, et his omnibus quibus romana felicitas crescit. Cape igitur tibi pro rebus gestis tuis coronas murales quatuor, coronas vallares quinque, coronas navales duas, coronas civicas duas, hastas puras decem, vexilla bicolora quatuor, tunicas ducales russas quatuor, pallia proconsularia duo, togam prætextam, tunicam palmatam, togam pictam, subarmalem profundum, sellam eboratam. Nam te consulem hodiè designo, scripturus ad senatum ut tibi deputet scipionem, deputet etiam fasces. Hæc enim imperator non solet dare, sed à senatu, quandò fit consul, accipere [3].

Le premier de ces trois passages de Vopiscus contient une chose qui mérite quelque attention, et qui ne répond pas trop aux idées que l’on se fait des désordres de l’empire. On se figure que, depuis que les soldats se furent accoutumés à créer et à tuer les empereurs, il n’y avait qu’oppression et que tyrannie dans les provinces romaines. Cela n’était pas toujours vrai : nous voyons ici que Valérien ménage les frais publics à la décharge des provinces avec plus de précaution que l’on n’en observe aujourd’hui dans les royaumes chrétiens.

(F) Voici quelques circonstances qui feront connaître la religion d’Aurélien, et l’irréligion de ses flatteurs. ] La consternation fut grande à Rome, dès que l’on y eut appris que les Marcomans étaient entrés dans l’Italie, et qu’ils y faisaient de grands ravages [4]. Les séditions se mêlèrent à cette consternation : c’est pourquoi Ulpius Syllanus, chef du sénat, proposa de consulter les livres de la Sibylle ; mais il y eut des sénateurs qui s’y opposèrent par la raison que sous un prince aussi brave qu’Aurélien, il n’était pas nécessaire de s’informer de la volonté des dieux. Cette diversité d’opinions faisant différer la consultation des écrits de la Sibylle, il fallut qu’Aurélien s’en mêlât. Il écrivit donc aux sénateurs qu’il s’étonnait qu’ils balançassent sur une affaire de cette nature, tout comme si au lieu d’en délibérer dans le temple de tous les dieux ils en délibéraient dans une église des chrétiens. Miror vos, patres sancti, tamdiù de aperiendis Sibyllinis dubitâsse libris, perindè quasi in christianorum ecclesiâ, non in templo deorum omnium, tractaretis [5]. Il les pressa vivement, il les assura qu’il fournirait toutes les dépenses nécessaires, et qu’il avait expédié là-dessus ses ordres au trésorier de l’épargne ; « car, ajoutait-il, ce n’est pas une chose honteuse de vaincre avec l’assistance divine : c’est ainsi que nos ancêtres ont terminé et commencé plusieurs guerres. » Neque enim indecorum est diis juvantibus vincere : sic apud majores nostros multa finita sunt bella, sic cœpta [6]. Syllanus avait donc eu raison de dire aux flatteurs d’Aurélien que ce grand homme honorait les dieux, et mettait en eux sa confiance, et que jamais leur secours ne faisait honte aux braves gens. Me-

  1. Idem, ibid., cap. IX, pag. 440.
  2. Casaubon veut qu’on lise es, c’est-à-dire, que Valérien croyait qu’Aurélien égalait Crinitus. Ce sens paraît le bon.
  3. Vopiscus, cap. XIII, pag. 449, 450.
  4. Vopiscus, cap. XVIII.
  5. Idem, ibid., cap. XX, pag. 463.
  6. Vopisc., cap. XX, pag. 464.