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AURÉLIEN.

fit mourir, et soumit ainsi l’Égypte en très-peu de temps [a]. L’envie de réunir à l’empire les Gaules, l’Espagne et la Bretagne, qui obéissaient à Tétricus, le fit revenir en Occident. Il gagna une bataille auprès de Châlons-sur-Marne, et ce fut la décision de l’affaire, d’autant plus que Tétricus se livra à lui pendant le combat [b]. Il revint à Rome, et y triompha de Zénobie et de Tétricus avec une pompe extraordinaire [c]. Il repassa en Gaule ; et ayant su que les Barbares étaient entrés dans le pays des Vindéliciens [d], il courut tout aussitôt de ce côté-là, et remédia au mal. Il passa de là dans l’Illyrie ; et ne jugeant pas qu’il pût conserver la Dace, dont Trajan avait fait une province au delà du Danube, et qui avait été perdue sous Gallien, il en retira les troupes et les habitans, et il donna à ceux-ci une partie de la Mésie et de la Dardanie, qu’il convertit en une nouvelle province [e]. Il avait en Thrace une belle armée, qu’il voulait conduire contre les Perses après l’hiver, lorsqu’il fut tué par l’un de ses généraux [f]. Ce fut au mois de janvier 275. Nous ne connaissons qu’en gros les grandes actions de sa vie ; mais si nous les savions en détail par des descriptions exactes, et telles qu’on les donne aujourd’hui des conquêtes et des batailles, nous le pourrions assez admirer, et nous trouverions bien raisonnable la plainte de Junius Tibérianus (I) car enfin Aurélien était un homme qui transportait la guerre d’Orient en Occident, avec la même facilité qu’on la transporte aujourd’hui d’Alsace en Flandre. On le regretta beaucoup, et l’on érigea en son honneur les monumens les plus magnifiques. On le déifia (K), on lui fit bâtir un temple. Remarquons qu’il n’y eut point de divinité, pour qui il témoignât plus de zèle que pour le Soleil (L). Il ne laissa qu’une fille unique, dont le petit-fils vivait encore au temps de Dioclétien [g]. C’était un sénateur vénérable par sa vertu, et qui avait été proconsul de Cilicie. Comptons pour un mensonge ce que dit Abulpharage, qu’Aurélien, en faisant la paix avec Sapor, roi de Perse, lui donna sa fille en mariage [h]. On prétend aussi qu’il lui envoya des médecins grecs, qui enseignèrent aux Perses la médecine d’Hippocrate [i]. Notez que les médecins étaient des gens qu’il n’employait pas dans ses maladies : il ne se servait guère d’autre remède que de l’abstinence [j]. Au reste, ce fut un bonheur pour les chrétiens, qu’un prince si sangui-

  1. Vopisc., in Aurelian., cap. XXXII.
  2. Voyez Tillemont, Hist. des Emper., tom. III, pag. 1058, 1059.
  3. Voyez-en la description dans Vopiscus, chap. XXXIII, et suivans.
  4. C’est en partie le pays qu’on nomme aujourd’hui Bavière et Suabe.
  5. Qui fut aussi nommée la Dace, ou la Nouvelle-Dace. Voyez les preuves de tout ceci dans Tillemont, Hist. des Empereurs, tom. III, pag. 1067.
  6. Vopiscus, in Aureliano, cap. XXXV.
  7. Vopisc., in Aur., cap. XLII, pag. 528.
  8. Tillem., Hist. des Empereurs, tom. III, pag. 1182.
  9. Abulpharage, cité par Tillemont, là même.
  10. Vopisc., in Aurelian., cap. L.