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AURÉLIEN.

dats lui donnèrent le surnom d’Épée-à-la-main, pour le distinguer d’un capitaine qui s’appelait comme lui (D). Il faisait un tel carnage dans les combats, qu’il tua quarante-huit Sarmates en un seul jour, et qu’on se servait du nombre de mille pour compter les coups mortels qu’il avait donnés aux ennemis [a]. Cette pensée trouva place dans les chansons et les vaudevilles [b] : il eut en cela le même avantage que le premier roi des Juifs [c], et il le mérita beaucoup mieux : car on ne prétendait pas que Saül eût fait mourir de sa main les mille ennemis dont les chansons lui attribuaient la tuerie ; mais c’était ainsi que la chose était entendue à l’égard d’Aurélien. Il fut adopté par Ulpius Critinus, l’un des plus grands hommes de ce temps-là [d]. L’empereur Valérien, qui ménagea cette affaire [e], le fit lieutenant du même Critinus [f], général des frontières de l’Illyrie et de Thrace [g], et le désigna consul l’an 258. Ces récompenses, et quelques autres, furent accompagnées des agrémens les plus sensibles, vu les éloges et témoignages d’estime qui servirent de préface aux déclarations de l’empereur (E). On ne trouve pas qu’Aurélien fasse figure sous l’empire de Gallien ; mais sous l’empire de Claude, il a les premiers emplois, et il commande les armées avec tant de gloire, qu’après la mort de cet empereur toutes les légions conspirent à le mettre sur le trône [h]. Cela se fit l’an 270. Il vint peu après à Rome ; et dès qu’il y eut affermi son autorité, il marcha vers la Pannonie, où les Goths avaient fait une irruption [i]. Il leur donna bataille, et les obligea de repasser le Danube, et de demander la paix. Après cela, dès qu’il eut appris que les Marcomans, les Juthonges [j], et quelques autres nations, avaient résolu de porter la guerre en Italie, il marcha contre eux, et les vainquit vers le Danube dans un grand combat. Il en tua encore beaucoup, lorsqu’ils voulurent repasser cette rivière, et il empêcha les autres de s’en retourner en leur pays, et les enferma dans les terres des Romains. Le défaut de vivres, et cent autres incommodités qui les obligèrent à lui demander la paix, ne leur inspirèrent pas une soumission qui lui pût être agréable. Leurs députés parlèrent assez fièrement, et il les renvoya avec beaucoup de hauteur ; car comme il s’imaginait qu’il avait coupé la retraite à cette armée, il ne croyait pas qu’elle lui pût échapper. Il se trompa : les ennemis se dégagèrent ; et, ayant pris le devant, ils entrèrent en Italie, et firent de grands ravages autour de Milan. Il ne put les suivre avec assez de promptitude, car son armée était plus pesante que la leur. Ils le battirent par surprise

  1. Vopisc., in Aureliano, cap. VI.
  2. Id. ibid. et cap. VII.
  3. Voyez le Ier. livre de Samuel, chap. XVIII, vs. 7.
  4. Vopisc., in Aurelian., cap. XIV.
  5. Id. ibid., cap. XV.
  6. Ibidem, capite X.
  7. Ibidem, cap. XIII.
  8. Ibidem, cap. XVII.
  9. Zozim, libr. I, pag. 654, 655.
  10. Ils étaient les plus voisins de la Rhétie et de l’Italie.