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AVERROÈS.

dum nobis unitur. Priori modo ait cum à morte nostrâ superesse, quippè æternum, nec dare homini essentiam, sed uniri illi per operationem suam phantasmatum interventu. Hanc sententiam etiam sequitur Antonius Mirandulanus Evers. singul. certam. lib. xxxii. sect. i., et lib. seq. sect. ii, et vi. Similiterque Cardanus : quem proptereà reprehendit, ac refellit Cæsar Scaliger Exercit. cccvi [1], sect. 30. Et sanè ea sententia Scripturis à diametro aversatur ; ut quæ suam cuique animam, sua etiam à morte præmia, et pœnas, adsignent[2].

(I) Divers auteurs ont travaillé à la traduction latine d’Averroës. ] Voici un passage de M. Huet, qui nous apprendra le nom de quelques-uns de ces traducteurs, et en même temps une méprise de Scaliger. Vix ullos Averroïs Arabicos codices in Europâ reperiri posse putabat Scaliger, solamque conversionem ab Armegando Blasii, Jacobo Mantino, Johanne Francisco Buranâ, Abrahamo de Balmis, Vitale Nisso, Calo Calonymo, Johanne Bruyerino Campesio, Paulo Israëlitâ, aliisque adornatam in lucem venisse. Ego tamen his versavi manibus arabicum Averroïs librum, ex Oriente huc olim à Postello devectum ; quod miror Scaligerum fugisse, Postello olim amicitiâ et litterariâ consuetudine conjunctum. Eo libro continentur in Logicam, Rhetoricam, et Poëticam commentaria ; quæ ad Jacobi Mantini et Abrahami de Balmis interpretationem à me expensa, fidem eorum et artem apertè mihi comprobârunt[3]. Notez qu’il y a eu des rabbins qui ont traduit en hébreu quelques ouvrages d’Averroës [4]. Il est bon que j’observe ici ce que je trouve dans Possevin. Ce jésuite assure que ceux qui étaient si entêtés de ce philosophe arabe, ne le pouvaient lire que dans des versions pitoyables, avant l’édition que Jean-Baptiste Bagolin fit faire à Venise, chez les Junctes, l’an 1552[5] ; cette édition, continue-t-il, ne peut pas valoir grand’chose ; car Bagolin, à l’égard d’une partie des œuvres d’Averroës, se servit de la traduction d’un Juif nommé Jacques Mantinus : et à l’égard de l’autre partie, on employa les traductions précédentes, et même celles que Niphus et Zimara n’avaient nullement corrigées en travaillant sur Averroës. Le traducteur Mantinus suivit les traces d’Abraham de Balmis, qui avait très-mal réussi. On ne peut donc se promettre qu’un traducteur, qui a eu de si mauvais guides, ait bien exprimé l’original ; et comme Bagolin n’entendait rien dans l’arabe, il ne pouvait point juger de ces interprétations [6]. Je m’en vais copier un long passage de Keckerman, où l’on souhaite que Dieu veuille susciter un traducteur qui délivre de la crasse et ténébreuse barbarie des precédens les œuvres d’Averroës. C’est alors que l’on verrait les grands services que cet Arabe a rendus à la philosophie. Quid et quantùm universæ philosophiæ Averroës iste profuerit, tùm clarum perspectumque haberemus, si quem nobis Deus virum excitaret, qui latinam ejus versionem ab istâ quâ scatet undique molestâ barbarie liberaret, et stylo latino saltem mediocri et intelligibili in gratiam philosophiæ studiosorum verteret. Ad quam rent illa, quæ nuper Avicennam arabicum nitidissimis typis dedit clarissima typographia medicea plurimùm adjumenti adferret, si lingua arabica Averroem ederet, atque ità occasionem viris ejus linguæ peritis faciliorem præberet barbaræ versionis emendandæ, et ad intelligentiam traducendæ : aliàs certum est, Averroem à multis neglectum iri, à quibus legeretur diligenter, nisi tam multis locis non intelligeretur. In Posterioribus Anal. apparet singularem operam præstitisse et immortalitate dignissimam : Et Epitome Logicæ, quam scripsit, laudatissima est ob varias causas, ut et Logica ejus quæsita. Nemo tam interpretum veterum videri potest proximus Aristotelis menti atque hic Arabs[7]. Je doute qu’il y ait aujourd’hui beaucoup de gens qui fassent un pareil vœu, ou qui fondent

  1. Il fallait dire cccvii.
  2. Vossius de Origine et Progressu Idololatriæ, lib. III, cap. XLII, pag. 952.
  3. Huetius, de Claris Interpretibus, pag. 185.
  4. Voyez la Biblioth. rabbinique du père Bartolocci, tom. I, pag. 13 et suiv.
  5. Possevinus, Biblioth. selectæ lib. XII cap. XVI, pag. 43, tom. II.
  6. Idem, ibid.
  7. Keckermannus, in Præcognitis logicis, Tract. II, cap. II, num. 32, pag. 103.