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AVERROÈS.

rousse[1]. Ætatem ex eo colligimus guod Ægidius Romanus in nono Quodlibeto refert se duos ejus filios vidisse in aulâ Frederici Barbarossæ. Is verò regere cœpit anno ciↄ. clii. ac imperavit annos xxxvii. Ces paroles sont de Vossius, à la page 114 de son livre de Philosophiâ, chapitre XIV. Voyez-le aussi au chapitre XVII du Traité de Philosophorum Sectis, pag. 91, où il prouve, par le témoignage du Conciliator, et de ce même Gilles de Rome, qu’Averroës a fleuri l’an 1150 ; il nous renvoie aux Quodlibets de ce Gilles, lib. II, Quæstione de unitate intellectûs. Reinesius observe qu’on met la mort d’Averroës à l’an 595 de l’hégire, qui est le 1198 de l’ère chrétienne [2]. Je voudrais que M. Konig, qui nous renvoie à Reinesius, n’eût point placé cette mort à l’an 1225. Il aurait dû nous renvoyer à Hottinger, et le rectifier ; car ce docte Suisse, ayant dit, après Jean Léon, qu’Averroës décéda l’an 603 de l’hégire, fait correspondre cette année-là à notre année 1225[3]. C’est un grand abus : elle correspond en partie à notre année 1206, et en partie à notre année 1207. La Bibliothéque rabbinique de Bartolocci m’apprend qu’Averroës a fleuri depuis l’an 1131 jusqu’à l’an 1216, qui fut celui de sa mort ; que ses Commentaires sur la Physique d’Aristote furent achevés à Séville, l’an 1187, et que ses Commentaires sur la Métaphysique du même Aristote furent écrits l’an 1192[4].

(B) Quelques savans prétendent qu’il a fort mal entendu Aristote... parce qu’il ignorait la belle littérature. ] C’est le sentiment de Louis Vives. Nomen est commentatoris nactus, dit-il[5], homo qui in Aristotele enarrando nihil minùs explicat, quàm eum ipsum, quem suscepit declarandum. Sed nec potuisset explicare etiam si divino fuisset ingenio, quùm esset humano, et quidem intra mediocritatem. Nam quid tandem adferebat, quo in Aristotele enarrando posset esse probè instructus ? non cognitionem veteris memoriæ, non scientiam placitorum priscæ disciplinæ, et intelligentiam sectarum, quibus Aristoteles passim scatet. Itaque videas eum pessimè philosophos omneis antiquos citare, ut qui nullum unquàm legerit, ignarus græcitatis ac latinitatis, pro Polo Ptholomæum ponit, pro Protagorâ Pythagoram, pro Cratylo Democritum ; libros Platonis titulis ridiculis inscribit, et itâ de iis loquitur, ut vel cæco perspicuum sit litteram eum in illis legisse nullam. At quàm confidenter audet pronuntiare hoc aut illud ab eis dici, et quod impudentius est, non dici : quùm solos viderit Alexandrum, Themistium, et Nicolaum Damascenum : et hos, ut apparet, versos in arabicum perversissimè ac corruptissimè. Citat enim eos nonnunquàm, et contradicit, et cum eis rixatur, ut nec ipse quidem, qui scripsit intelligat. Aristotelem verò quomodò legit ? non in suâ origine purum et integrum, non in lacunam latinam derivatum, non enim potuit linguarum expers, sed de latino in arabicum transvasatum. Il prouve ensuite par un exemple les égaremens de cet interprète d’Aris-

    II, puisqu’il n’est pas facile de comprendre comment Gilles de Rome, mort le 22 décembre 1316, a pu se trouver dans un certain âge à la cour de ce prince avant 1250 ; ce ne put être non plus à celle de Frédéric III, élu en 1314. Je ne puis rien dire de certain sur ce sujet, ayant cherché inutilement le livre de Gilles de Rome. » Ni Joly, comme il le reconnaît, ni Leclerc n’a vu le livre de Gilles de Rome (Ægidius Romanus) appelé aussi Gilles Colonoe (Ægidius Columna), que cite Naudé, cité à son tour par Bayle. L’édition de Louvain 1646, in folio, que j’ai sous les yeux, est intitulée : B. Ægidii Columnæ.…. Quodlibeta revisa, correcta et variè illustrata, studio M. F. Petri Damasi de Coninck. Cet ouvrage n’a que six Quodlibeta : ainsi déjà, c’est une faute de Naudé ou de ses imprimeurs d’avoir indiqué le Quodlibet IX. (est dans le second, n°. 20 (page 102 de l’édition susdite) que Gilles de Rome parle d’Averroës, en ajoutant : Filii cujus dicuntur fuisse cum imperatore Frederico qui temporibus nostris obiit. Gilles de Rome ne dit pas en quel nombre étaient les fils d’Averroës ; il ne parle de leur séjour avec Frédéric que comme d’un on-dit. Il ne désigne le Frédéric que par ces mots : l’empereur Frédéric qui mourut de notre temps. Or, ce ne peut être, comme le dit Leclerc, que Frédéric II, le seul empereur de ce nom qui mourut du vivant de Gilles de Rome, et c’est toujours au XIIe. siècle que cette circonstance fixe l’existence d’Averroës.

  1. Naudé, Apologie des grands hommes accusés de magie, chap XIV, pag. 354 : il cite Gilles de Rome, quodlibet IX. Voyez aussi Petri Petiti Medici parisiensis Observat. miscellan., pag. 191.
  2. Reinesius, Epist. XV ad Hofmannum, pag. 32.
  3. Hotting., Biblioth, Theol., pag. 279.
  4. Bartolocc., Bibl. rabb., tom. I, pag. 13. Il cite Caserr., in Chronolog. Compendio.
  5. Ludovicus Vives, de Causis corruptar. Arium, lib. V, pag. 167.