Page:Bayle - Dictionnaire historique et critique, 1820, T02.djvu/522

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
512
ATTIUS. AUBERI.

Attilii aliâ ad similem sententiam, ne laissa pas de croire qu’il fallait ôter cet Attilii, et mettre à la place Attii. Sic emendavimus, dit-il, corruptam omnium librorum lectionem Attilii. Torrentius ne se contenta pas de chasser Attilius en faveur d’Attius : il chassa aussi l’Électre, et prétendit que Suétone n’avait parlé que d’une pièce d’Attius, intitulée comme celle de Pacuvius, laquelle il venait de citer Armorum judicium. La raison de Torrentius est que les manuscrits varient furieusement sur le nom du poëte, mais qu’ils ont plus souvent Accius ou Attius. Voilà comment les critiques sont d’accord sur les leçons des manuscrits, qui est une matière de fait. Casaubon avoue qu’il a trouvé Attilius partout. Torrentius dit au contraire qu’il a trouvé moins souvent Attilius. Pierre Crinitus s’était plaint que les grammairiens eussent mis Accius au lieu d’Attilius dans ce passage de Suétone [1]. Mais venons à quelque chose de moins creux. Encore que Casaubon ne nous ait point dit pourquoi il avait changé le texte, on ne dit point douter qu’il n’ait en la même raison que Torrentius. Or, voici la raison de Torrentius : il ne se souvenait point d’avoir rien lu touchant l’Électre d’Attius, ni touchant un poëte qui eût nom Attilius. Il est moins surprenant qu’un homme docte se laisse entraîner par un tel principe à la négation d’un fait, que de voir que ces deux excellens critiques ignorassent que Cicéron a parlé de l’Électre d’Attilius ; qu’il a traité Attilius de poëte très-dur ; que Volcatius Sedigitus fait une honorable mention de lui dans Aulu-Gelle ; et que Varron l’a cité au Ve. et au VIe. livres de la langue latine[2]. Je ne parle point de Crinitus, ni de Grégoire Gyraldas, qui ne l’ont pas oublié dans la Vie des poëtes latins ; à telles enseignes que ce dernier a imputé faussement à Cicéron de l’avoir qualifié poëte tragique[3]. Je n’ai que faire de toucher aux plaintes qui ont été publiées contre ceux qui changent les leçons de manuscrits, à proportion qu’ils entendent ou qu’ils n’entendent pas une chose. Ce seroit songer à cela mal à propos, vu les grands services que Casaubon a rendus à la république des lettres par son érudition aussi vaste que judicieuse. Le mérite de Torrentius n’est pas de la même force ; mais il a son prix, que je ne prétends point diminuer.

  1. P. Crinitus, de Poët. lat., cap. XIV.
  2. Voyez Reinesius, variar. Lection. lib. III, cap. III, pag. 370, apud Sueton. Grævii, in Cæsare, CLXXXIV.
  3. Apud Vossium, de Poët. lat., pag. 7.

ATTIUS (Lucius), poëte tragique. Cherchez Accius.

AUBERI (N.) [* 1] auteur d’une Histoire du cardinal de Richelieu (A) et du cardinal Mazarin. Voyez le Journal des Savans [a]. Si quelque raison particulière ne m’en empêche, je me servirai toujours d’un pareil renvoi, lorsque je livre où il faudra renvoyer se trouve facilement, et ne contient que d’une manière fort abrégée la vie d’un homme.

  1. * Il s’appelait Antoine, dit Leclerc. Né à Paris en 1616, il est mort en 1695. On trouve la liste de ses ouvrages dans le tome XIII des Mémoires de Niceron.
  1. Au 14 de mars 1695, pag. 185 et suiv., édit. de Hollande.

(A) Auberi, auteur d’une Histoire du cardinal de Richelieu. ] Elle fut imprimée à Paris, in-folio, l’an 1660, avec deux autres volumes qui contiennent des Lettres, des Instructions et des Mémoires. Antoine Bertier, libraire de Paris, qui les imprima, avait recueilli avec grand soin les pièces qui sont contenues dans les deux derniers ; mais il représenta à la reine mère, qu’il n’osait les publier sans une autorité et une protection particulière de sa Majesté, parce qu’il y avait plusieurs personnes qui s’étaient bien remises en cour, dont la conduite passée n’ayant pas été régulière, et étant marquée fort désavantageusement pour eux dans ces Mémoires, ne manqueraient pas de lui susciter des affaires fâcheuses. Allez, lui dit la reine, travaillez sans crainte, et faites tant de honte au vice, qu’il ne reste que de la vertu en France[1].

  1. La Caille, Histoire de l’imprimerie, pag. 285, 286.