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ARTAVASDE.

fit mourir est un petit-fils d’Hérode. Josephe nous dit qu’Alexandre, fils d’Hérode, eut de Glaphira, sa femme, fille d’Archélaüs, roi de Cappadoce, deux fils, dont l’un, appelé Tigrane, régna en Arménie, et fut accusé devant les Romains [1]. Voilà sans doute celui dont Tacite parle en cette manière : Ne Tigranes quidem Armeniâ quondàm potitus, ac tunc reus, nomine regio supplicia civium effugit [2]. La conjecture de M. de Tillemont, que ce Tigrane fut roi de la petite Arménie, qui avait été donnée par Auguste à Archélaüs [3], serait bonne si l’on pouvait l’accorder avec Josephe, qui dit que les descendans d’Alexandre, fils d’Hérode et de Glaphyra, ont régné dans la grande Arménie. Ἡδἐ Ἀλεξάνδρου γενεὰ τῆς μεγάλης Ἀρμηνίας ἐϐασίλευσε [4].

  1. Joseph., lib. XVIII, cap. VII.
  2. Tacit., Annal., lib. VI, cap. XL.
  3. Histoire des Empereurs, tom. I, note 11, sur Tibère.
  4. Joseph., de Bello Jud., lib. II, cap. XIX.

ARTAVASDE, roi de Médie, fut attaqué par Marc Antoine, à la sollicitation d’un autre Artavasde, roi d’Arménie. Cette entreprise fut très-funeste à Marc Antoine ; et comme il crut que celui qui l’y avait engagé l’avait trahi, il tourna toute sa colère de ce côté-là, et fit alliance avec le roi de Médie. Il lui donna une partie de l’Arménie, dès qu’il en eut dépouillé l’autre Artavasde, et il voulut cimenter cette paix par le mariage de son fils Alexandre avec Jotape, fille du roi des Mèdes. Les troupes qu’il lui fournit le rendirent victorieux des Parthes, et d’Artaxias fils d’Artavasde roi d’Arménie ; mais quand il les eut retirées, et qu’il eut retenu celles que son allié lui prêta, celui-ci ne put résister à ses ennemis, et tomba entre leurs mains, Dion raconte cela sous l’an 721 de Rome [a]. Il est croyable que ce prince ne fut pas long-temps captif, et qu’il est ce roi de Médie auquel Cléopâtre envoya la tête d’Artavasde roi d’Arménie, l’an 724 de Rome [b]. Le Supplément de Moréri est ici tout plein de fautes (A).

  1. Dio, lib. XLIX.
  2. Idem., lib. LI.

(A) Le Supplément de Moréri est ici tout plein de fautes. ] On y débite, 1°. que cet Artavasde roi des Mèdes, fils et successeur de Darius, soutint vigoureusement la guerre contre Artavasde roi d’Arménie, et contre Pompée ; 2°. qu’il fut enfin défait par les Parthes, et qu’il se réfugia à Rome auprès d’Auguste, qu lui donna la petite Arménie au lieu de la Médie qu’il avait perdue. On cite Plutarque et Dion au livre XLIX. Mais pour réfuter cela en rétrogradant, n’est-ce pas se moquer du monde, que de citer simplement Plutarque ? N’est-ce pas vouloir faire des fautes impunément ? car qui n’aimerait mieux s’abstenir de critiquer, que de lire deux gros volumes in-folio, pour vérifier un petit fait ? Il est sûr que Dion au livre XLIX ne dit point que cet Artavasde se soit réfugié à Rome, ni qu’Auguste lui ait fait présent de la petite Arménie. Je ne sache point d’auteur qui dise cela. Je trouve bien dans Tacite qu’Auguste fit régner dans l’Arménie un Artavasde, après les fils de Tigrane, mais non pas que ce fut pour le dédommager de la Médie. Apparemment ceux qui ont fait le IIIe. volume de Moréri se sont servis à deux mains de ce passage de Tacite : d’un côté, pour débiter que Tibère donna l’Arménie à un Artavasde, fils d’Artaxias, et neveu de Tigrane [1] ; et de l’autre, pour dire qu’Auguste la conféra à un Artavasde, roi dépouillé de la Médie. Enfin quelle négligence, que de dire qu’on s’est défendu vigoureusement contre le roi d’Arménie, et contre Pompée ! Cette guerre contre le roi d’Arménie, qui n’avait guère besoin d’être vigoureusement poussée, vu la trahison de ce prince envers Marc Antoine, est

  1. Voyez la remarque (B) de l’article d’Artavasde II.