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ARTAVASDE II.

de chaînes d’argent. ] Dion remarque qu’on les choisit telles, pour ne pas faire déshonneur à la majesté royale par des chaînes de fer [1]. Paterculus dit qu’afin qu’elles fussent honorables, on voulut qu’elles fussent d’or. Catenis, sed ne quid honori deesset, aureis vinxit [2]. On avait usé d’une semblable cérémonie envers Darius [3]. Mais que dirons-nous de M. Ryck, qui a traité de fiction un fait avancé par Louis d’Orléans pour accorder Paterculus avec Dion [4] ? Ce fait est qu’Artavasde fut chargé de chaînes d’argent en prison, et de chaînes d’or le jour du triomphe. M. Ryck soutient que ni l’un ni l’autre de ces historiens n’a parlé, ni de prison, ni de triomphe, et qu’ainsi on ne saurait les concilier ensemble. Il est pourtant vrai que Dion, dans la même page où il a parlé des chaînes d’argent, parle des chaînes d’or qu’on donna à Artavasde et à sa famille le jour du triomphe. Admirons les mauvais tours que la mémoire nous fait.

  1. Dio, lib. XLIX, circa finem.
  2. Paterculus, lib. II, capite LXXXII.
  3. Curtius, lib. V, cap. XII. Vide ibi Freinshemium.
  4. Ryck, Animadv. ad Tacit. Annal., lib. II, cap. III, pag. 28, 29.

ARTAVASDE II fut établi roi d’Arménie par Auguste. Il avait été précédé depuis la mort d’Artavasde Ier. par Artaxias, par Tigrane et par les enfans de Tigrane. Artaxias, fils aîné d’Artavasde Ier., s’était sauvé lorsque son père fut mis aux fers [a] ; mais non pas avant que d’avoir essayé de se maintenir avec ses troupes et les villes qui le déclarèrent roi lorsque son père eut été pris [b]. Il eut le malheur d’être battu par Marc Antoine ; et alors il se réfugia chez les Parthes, et il fit si bien avec leur secours, qu’enfin il régna dans l’Arménie [c] : mais sur les plaintes de ses sujets, et sur la demande qu’ils firent de Tigrane son frère, qui était élevé à Rome, Auguste donna ordre à Tibère de chasser Artaxias, et de conférer le royaume à Tigrane [d]. Artaxias fut tué par ses sujets avant l’arrivée de Tibère (A) ; ainsi il ne fut pas malaisé d’installer Tigrane [e]. Cela fut fait l’an 534 de Rome. Tigrane, ni ses fils, ne jouirent pas longtemps de la royauté [f] ; ils firent place à Artavasde II (B), qui ne conserva guère ce poste [g]. Auguste, qui le lui avait donné, apprenant les confusions de l’Arménie, y envoya Caïus César son petit-fils, pour y mettre ordre. Ce jeune prince y établit pour roi Ariobarzane, avec la satisfaction de tout le monde.

  1. Joseph., Antiq., lib. XV, cap. V.
  2. Dio, lib. XLIX.
  3. Arsacidarum vi seque regnumque tutatus est. Tacitus, Annal., lib. II, cap. III.
  4. Dio, lib. LIV.
  5. Id., ibid.
  6. Nec Tigrani diuturnum imperium fuit, nec liberis ejus. Tacitus, Annal., lib. II, cap. III.
  7. Tacit., Annal., lib. II, cap. III.

(A) Artaxias fut tué avant l’arrivée de Tibère. ] Dion, qui nous apprend cette circonstance, s’est abusé sur les noms ; car il appelle Artabaze celui qu’il devait nommer Artaxias [1]. Tacite n’impute la mort d’Artaxias qu’à la trahison de ses parens : occiso Artaxiâ per dolum propinquorum [2] ; mais Horace l’attribue à la valeur de Tibère,

............Claudi virtute Neronis
Armenius cecidit [3].

Il ne faut pas s’en étonner, les poëtes savent trop bien donner un bon tour aux événemens ; tout se convertit en sujets de louanges entre leurs mains ; ils trouvent partout des fleurs pour en couronner les princes. Josephe dit

  1. Voyez Lipse sur les Annal. de Tacite, liv. II, chap. III.
  2. Tacitus, ibid.
  3. Horat., Epist. XII, vs. 26, lib. I.