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ARISTOTE. ARIUS.

de mer, en disant : Que l’Euripe me tienne, puisque je n’ai pu le tenir : Ἐπειδὴ Ἀριςτοτέλης οὐχ εἷλε τὸν Εὔριπον, Εὔριπος ἐχέτω τὸν Ἀριςοτέλην. Postquàm Aristoteles non prehendit Euripum, Euripus habeat Aristotelem[1] ; 5°. qu’il faut recueillir de là que la fortune a été contraire aux impies, non-seulement dans la vraie religion, mais aussi dans la fausse.

  1. Lilius Gregor. Gyraldus, Dialogismo, XXX, pag. 912, tom. II, Oper. Edit. ann. 1696.

ARISTOTE, architecte célèbre dans le XVe. siecle, était de Boulogne, et de la famille des Albert[a]. Une des plus remarquables choses qu’on conte de lui est qu’il savait transporter d’un lieu en un autre une tour de pierre toute entière (A). Jean Basilide, grand-duc de Moscovie, le fit venir auprès de lui, et se servit de son industrie pour la construction de plusieurs églises [b]. Il y a des noms difficiles à porter : celui d’Aristote est de ce nombre : cependant on trouve plus de trente Aristotes (B).

  1. Leand. Albertus, in Descript. Italiæ, pag. 516.
  2. Voyez la Relation de Moscovie d’Hercule Zani dans le Journal de Leipsic de 1691, pag. 476.

(A) Il savait... transporter une tour de pierre toute entière. ] Tonsius cite deux témoins, Beroalde et Matthieu Palmerius[1]. Le premier s’exprime ainsi : Non diù est quòd Aristoteles civis noster mechanicus longè omnium præstantissimus turrim ex sede suâ movit, motamque arte mechanicâ in alium haud longè dissitum locum transportavit. Non est mendacio locus, cùm adhùc supersint qui vidêre[2]. Et voici les paroles de Palmerius : Aristoteles Bononiensis architecturâ insignis habetur, qui lapideas turres integras illæsas subjectis fundamento lapidibus ad alium traduxit locum[3].

(B) On trouve plus de trente Aristotes. ] Voyez les Dissertations de Jonsius de Historiâ Peripateticâ, vous y trouverez vingt et un Aristotes dans la première. L’auteur croyait alors n’avoir rien laissé à dire[4] ; mais il éprouva que la science croît avec l’âge. Il eut onze nouveaux Aristotes à produire quand il publia son Traité de Scriptoribus Historiæ Philosophiæ. Il eut aussi quelque chose à ajouter à ce qu’il avait dit de quelques-uns des vingt et un. Ce qui a été rapporté dans la remarque précédente est une de ces additions.

  1. Jonsius, de Scriptor. Hist. Philos., pag. 68
  2. Beroald. in Sueton. Vespas., cap. XVIII.
  3. Matth. Palmer. Chron., ad ann. 1455.
  4. Voyez le XIIe. chapitre du Traité de Jonsius, de Historiâ Peripatetic.

ARIUS, chef et fondateur de l’Arianisme, secte qui niait la divinité éternelle et la consubstantialité du verbe, vivait dans le IVe. siecle. Il était né dans la Libye, proche de l’Égypte. Eusèbe, évêque de Nicomédie, fort aimé de Constantia, sœur de l’empereur Constantin, et femme de Licinius, contribua extrêmement à la propagation de cette hérésie[a]. C’était un esprit adroit, un véritable évêque de cour, l’homme du monde en un mot le plus capable de faire faire fortune à un nouveau dogme. Il prit Arius sous sa protection, et l’insinua dans les bonnes grâces de Constantia ; car on s’imagine toujours que si les femmes ne se mêlent des intérêts d’une secte, les progrès n’en sauraient être considérables. Le parti d’Arius se fortifiait à vue d’œil. Il y eut des évêques qui l’embrassèrent hautement. Ce ne furent plus que disputes dans les villes : on passait quelquefois des paroles aux effets ; il fut absolument nécessaire que l’empereur remédiât à ces désordres. C’est ce qu’il

  1. Hieron. ad Ctesiphont.