la seconde est l’esprit et l’histoire du Putanisme. Quelque abominables que soient ces dialogues, ils le sont beaucoup moins que le livre qu’on lui attribue, de omnibus Veneris Schematibus.
Voici une remarque qui m’a été envoyée [1]. « Ce livre (de omnibus Veneris Schematibus) qu’on attribue ici à l’Arétin, et que bien des gens croiront peut-être avoir été composé par lui en langue latine, à cause que par honnêteté vous lui donnez un titre latin, n’est autre chose qu’un recueil contenant seize figures déshonnêtes, gravées par le fameux Marc Antoine de Boulogne, d’après les dessins de Jules Romain, au bas de chacune desquelles était un sonnet de l’Arétin. Il en parle dans une lettre du 29 de novembre 1527, par laquelle il mande au seigneur César Fregose, qu’il lui envoye il libro de i sonetti e de le figure lussuriose. Le Vasari, et M. Felibien après lui, ont dit que ces figures et ces sonnets étaient au nombre de vingt ; mais l’Arétin lui-même, dans la dédicace qu’il en fit en 1537 à ce Battista Zatti dont j’ai parlé, n’en compte que XVI. Il y a un dialogue de Maddalena et de Giulia qui a pour titre La Putana errante, où il est traité au long de i diversi Congiungimenti, jusqu’au nombre de trente-cinq. C’est surpasser du quadruple l’ancienne débauche :
» Quales nec Didymæ sciunt puellæ,
» Nec molles Elephantidos libelli.….
» Sunt illìc Veneris novem figuræ.
» C’est ainsi que Lindenbruch [2]
cite l’épigramme XLIII du XIIe.
livre de Martial ; d’autres lisent
novæ au lieu de novem. L’Arétin,
quoique l’ouvrage ait toujours été
imprimé sous son nom, le désavoue,
et dit qu’il est d’un de ses élèves,
nommé le Veniero. [* 1] Voici comme
il s’en explique dans son Capitolo
au duc de Mantoue :
» Ma perch’ io sento il presente all’ odore,
» Un’ operetta in quel cambio galante,
» Vi mando hora in stil ladro traditore
» Intitolata la Putana errante,
» Dal Veniero corposta mio creato,
» Che me in dir mal quatro giornate inante.
J’ajoute à cela un beau passage de
M. Chevillier : Ce fut environ l’an
1525, que Jules Romain, le plus célèbre
peintre d’Italie, poussé par l’ennemi
du salut des hommes, inventa
des dessins pour graver vingt planches.
Les sujets en sont si déshonnêtes,
qu’on n’ose pas seulement les nommer.
Pierre Arétin, diffamé dans le public,
qui le connaît pour un impie et pour
un athée, composa des sonnets pour
chaque dessin. George Vasari, qui
rapporte cette histoire dans son livre
de la Vie des Peintres, dit qu’il ne sait
lequel serait le plus impur, ou de jeter
les yeux sur les dessins de Jules, ou
de s’arrêter à lire les sonnets d’Arétin :
Io non so qual fusse più o brutto lo
spettacolo de i designi di Giulio all’
ochio, o le parole dell’ Aretino a gl’
orecchi. 3. Part. pa. 302. Un graveur,
appelé Marc Antoine, osa bien faire
servir son burin pour graver sur ces
vingt planches tant d’infamies. Le pape
Clément VII le fit mettre en prison :
mais le cardinal Médicis lui sauva la
vie. Et si grand que fut le mérite de
Jules dans la peinture, il aurait été
châtié très-rigoureusement, s’il ne se
fût retiré à Mantoue. Il arriva en l’année
1527 que Rome fut pillée par
l’armée de Charles-Quint : le sort de
ce graveur fut, qu’ayant perdu tous
ses biens, il fut obligé de quitter la
ville, et mourut quelque temps après.
M. Chevillier ajoute que M. Jollain,
marchand de la rue Saint-Jacques à
Paris, sachant où il y avait de ces
planches infâmes, qui représentaient
ces dessins abominables de Jules, et
ces sonnets impurs de l’Arétin, y alla,
et les acheta cent écus, dans le dessein
de les détruire, ce qu’il exécuta..……..
- ↑ * Depuis, et dans le Ménagiana, IV, 60, la Monnoie déclare abandonner cette idée. Mais Mazzuchelli pense au contraire que le poëme de la Putana errante, et le Trentuno della Zaffetta sont de Lorenzo Veniero. Mazzuchelli ajoute que la Putana errante n’est qu’en trois chants. On en trouve une traduction française dans la Bibliothéque d’Arétin, Cologne, P. Marteau, in-12 de 404 pages sans date. Cette Bibliothéque d’Arétin est un recueil de pièces obscènes de divers auteurs : on en trouve le détail dans les Analecta litteraria de Freytag, pag. 45. Il n’y a dans ce volume aucune pièce d’Arétin, puisque la Putana errante est de Veniero. Joly s’exprime donc inexactement en disant que cette pièce « est tout ce qu’on trouve de l’Arétin dans cet ouvrage malgré son titre. »