clès, allaient souper fort souvent chez
Crantor ; et que Cratès était le mignon
de Polémon, comme Arcésilas
était le mignon de Crantor. Le traducteur
de Diogène Laërce a renversé
tout ceci ; car il suppose que Polémon
était le mignon de Cratès, et que
Crantor était le mignon d’Arcésilas.
Voyons le grec : Ἦν δὲ ἐρώμενος, Κράτης
μὲν, ὡς προείρηται, Πολέμωνος· Ἀρκεσίλαος
δὲ Κράντορος [1]. Cela veut
dire : Erat autem amasius, ut quidem
prædictum est, Polemonis quidem
Crates, Crantoris autem Arcesilas.
La version latine, qu’aucun commentateur
ne censure, a mis amator
où il fallait mettre amasius : on n’a
point pris garde à la signification passive
d’ἐρώμενος. On n’a point non plus
pris garde qu’on s’est contredit un
peu après ; car, comme le grec l’ordonne,
on a représenté Arcésilas sous
le personnage de patient. Ἀρκεσίλαος
θέλων ὑπ᾽ αὐτοῦ (Κράντορος) συσταθῆναι
Πολέμωνι, καίπερ ἐρῶντος [2]. Arcesilaus
volens ab illo (Crantore) se Polemoni
commendari quanquam amatore
suo. Éloignons d’ici les sales et
abominables idées que cet auteur et
plusieurs autres en même cas semblent
vouloir suggérer. Quand ils parlent
d’un grand philosophe, et de ses
disciples, ils observent presque toujours
qu’il était l’amant d’un tel ou
d’un tel. J’avoue qu’en quelques rencontres
cela peut s’entendre en un
vilain sens ; mais je crois aussi qu’en
cent autres occasions il ne faut entendre
qu’une tendresse bonne et
honnête. Parmi plusieurs disciples,
il y en avait un qui était le bien-aimé
et le favori de son maître. C’était
celui qu’on désignait pour son
successeur, celui qui avait le plus de
docilité ou de respect, ou de génie,
etc. ; fallait-il désigner cela par
le terme d’ἐρώμενος ? mais revenons au
fait. Le dernier passage que j’ai cité
de Diogène Laërce nous apprend
qu’Arcésilas demanda à Crantor de
le recommander à Polémon. L’historien
ajoute que Crantor, qui était
malade, ne le trouva point mauvais ;
et qu’au contraire, dès qu’il se porta
bien, il s’en alla lui aussi aux leçons
de Polémon : Ἀλλὰ καὶ αὐτὸν ὑγιάναντα
διακούειν Πολέμωνος [3]. Ipse quoque
cùm sanus factus esset se ad audiendum
Polemonem contulit. C’est une
preuve qu’Arcésilas fut des auditeurs
ou des disciples de ce philosophe. Il
le fut si bien, que Cicéron ne lui
donne pas d’autre maître : Arcesilas
tuus, etsi fuit in disserendo pertinacior,
tamen noster fuit, erat enim
Polemonis [4]. Numénius lui en
donne plusieurs autres : il le fait successivement
disciple de Polémon, de
Théophraste, de Diodore, et enfin de
Pyrrhon [5]. Il apprit de Crantor,
ajoute-t-il, à être persuasif, de Diodore
à être sophiste, et de Pyrrhon
à tourner de toutes parts en guise de
girouette, et à n’être rien : Ὧν ὑπὸ μὲν
Κράντορος πιθανουργικός, ὑπὸ Διοδώρου
δὲ σοϕιςής, ὑπὸ δὲ Πύῤῥωνος ἐγένετο παντοδαπὸς,
καὶ ἴτης καὶ οὐδέν [6]. Et à
Crantore quidem ad persuadendum
callidus, à Diodoro autem sophista,
deniquè à Pyrrhone cum omnem in
partem versatilis ac temerarius, tum
etiam nullus esse didicit. Il se fixa
dans l’inconstance pyrrhonienne, il
ne lui manquait que le nom de Pyrrhonien ;
il n’avait que le nom d’académicien,
et il ne garda ce nom que
par respect pour le philosophe Crantor
son maître et son amant : Πλὴν
τῆς προσρήσεως ἐνέμεινε Πύῤῥωνί ὡς τῇ
πάντων ἀναιρέσει.... αἰδοῖ τοῦ ἐραςοῦ
ὑπέμεινε λέγεσθαι Ἀκαδημαϊκὸς ἔτι. ἦν
μὲν τοίνυν Πυῤῥώνειος, πλὴν τοῦ ὀνόματος.
Ἀκαδημαϊκὸς δ᾽ οὐκ ἦν, πλὴν τοῦ λέγεσται. [7].
In Pyrrhone si appellationem
excipias, tanquam in omnium
eversione acquievit.... is pro suâ in
amatorem observantiâ academicum se
vocari adhuc passus est. Ità qui Pyrrhonicus
excepto nomine tolus erat,
idem academicus præter nomen habebat
nihil. Numénius venait de dire
qu’Arcésilas, beau garçon, et encore
jeune, s’étant fait aimer de Crantor,
s’était attaché à lui : Διὰ τὸ καλὸς εἶναι
ἔτι ὢν ὡραῖος τυχὼν ἐραςοῦ Κράντορος
τοῦ Ἀκαδημαϊκοῦ προσεχώρησε μὲν τού-
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ARCÉSILAS.